19 décembre 2006

Manifeste légitimiste, La légitimité contestée

“Vous aurez peut-être un jour à subir les Orléans ! Mais je conjure mes fidèles de se tenir à l’écart et de ne rien faire pour les soutenir”. Henri V Comte de Chambord. (1)

“Mieux vaut pour un prince parler français avec l’accent castillan qu’avec l’accent révolutionnaire”. Hervé Pinoteau.

“Quand le principe reste, le prince n’est jamais définitivement détrôné”. Cardinal Pie. (2)

“C’est au parlement de décider de l’ordre de primogéniture”. Henri Comte de Paris. (3)

LA LÉGITIMITÉ CONTESTÉE

Introduction

Au cours des différents chapitres de ce manifeste, nous avons rappelé que l’autorité possédait le caractère d’être paternelle, c’est-à-dire d’être exercée par un homme.
Nous avons montré que les lois fondamentales désignaient cette personne par un ensemble de règles fondées sur la nature, ayant le mérite d’être simples et claires, ce qui a mis la succession de France au-dessus des convoitises qui assaillent d’ordinaire l’autorité.
Cependant c’est un fait patent que la monarchie légitime, incarnée par le prince que désignent les principes que nous avons rappelés, ne gouverne plus le pays depuis 1830.
Il est donc impossible d’envisager une modification coutumière du droit royal depuis cette date.
Aucun nouveau trait coutumier, impliquant répétition et constance, ne saurait être observé - et pour cause - depuis 1830.
Nous nous trouvons ainsi devant l’alternative suivante :
 soit la coutume est abrogée, et en ce cas c’est la royauté française qui est morte, non seulement en fait - ce qui est patent - mais aussi en droit.
 soit elle n’est qu’engourdie et l’héritier est nécessairement celui que saisissent les lois fondamentales du royaume.
Une telle affirmation ne devrait soulever aucune contestation :
 pour ceux qui croient à l’abrogation de la coutume, peu importe celui qu’elle aurait désigné.
 pour ceux qui croient à un simple sommeil, le prince qui remplit toutes les conditions ne peut être que Louis de Bourbon, né le 25 avril 1974.
Et pourtant, il y a contestation et cette contestation ne date pas d’aujourd’hui !

Elle date exactement de 1883 !

I- La contestation orléaniste
Pourquoi 1883 ?
Parce que le 24 août 1883, à Frohsdorf en Autriche, décède le chef alors incontesté de la maison de France : Henri V, souvent connu sous le titre de comte de Chambord.
Avec lui s’éteignait la première ligne des Bourbons issue du petit-fils aîné de Louis XIV. Bien sûr, la Révolution était passée sur la France, bien sûr il y avait eu l’usurpation de 1830, un prince cadet, issu du second fils de Louis XIII, s’était emparé du trône. Mais lui-même n’avait jamais prétendu avoir été saisi par la coutume immémoriale : il se disait «roi des Français» et non pas «roi de France». (Il est curieux de constater que ce titre de «roi des Français» était celui que les rois d’Angleterre «concédaient» aux rois de France quand eux-mêmes se prétendaient rois de France).
Avec cette mort, la coutume saisissait l’aîné de la seconde ligne des Bourbons issue du second petit fils de Louis XIV : Jean, arrière-arrière petit-fils de Philippe, lui-même petit-fils de Louis XIV.
Pourquoi ne fut-il pas unanimement reconnu ?
Pourquoi, au contraire, les royalistes en grande majorité se tournèrent-ils vers le comte de Paris, aîné des Orléans comme s’il était le successeur légitime ? Alors que ce dernier accompagné de ses oncles avait renoncé à la tradition usurpatrice de Louis-Philippe et fait acte de soumission au droit légitime, peu de temps avant 1883 ! Sur quoi se fondait-on pour exclure les Bourbons-Anjou ?
Le prince Jean était sans conteste l’aîné des capétiens, catholique et issu, ainsi que tous ses ancêtres, d’un mariage canoniquement valable !
Mais son aïeul était parti régner en Espagne sous le nom de Philippe V ! D’une part il avait renoncé pour lui et ses descendants au trône de France, d’autre part un long séjour en Espagne a définitivement hispanisé sa famille.
Avant d’examiner la thèse qui excluait le prince Jean et les Bourbons descendants de Philippe V remémorons-nous comment celui-ci, petit-fils de Louis XIV, était devenu roi d’Espagne.

II- Rappel historique

Reportons-nous en l’année 1700. Le roi d’Espagne est Charles II. Il n’a pas d’enfant. Il n’a pas de frère mais deux soeurs dont l’une, Marie-Thérèse a épousé Louis XIV et l’autre, Marguerite-Thérèse, a épousé Léopold Ier d’Autriche, empereur.
Sa succession s’avère donc particulièrement difficile.
Si elle se fait du côté de Marie-Thérèse, on risque de voir les deux couronnes de France et d’Espagne sur la même tête : ce que ne peuvent accepter ni l’Empereur ni l’Angleterre.
Si elle se fait du côté de Marguerite-Thérèse, on risque de revoir, comme au temps de Charles-Quint, les deux couronnes de l’Empire et d’Espagne sur la même tête: ce que ne peuvent accepter ni la France ni l’Angleterre.
Désirant débrouiller la situation avant sa mort, Charles II fait appel au pape, Innocent XII, pour dire le droit.
Il lui écrit, le 14 juin 1700, par l’intermédiaire de son ambassadeur, le duc d’Uzéda.

Les papes ont toujours proclamé que les souverains ne pouvaient pas considérer leurs royaumes comme leur chose propre. Les renonciations, qui impliquent une idée de propriété, ont toujours été pour le Saint-Siège radicalement nulles.
Le Pape, après avoir conféré sur la question avec les cardinaux les plus versés en droit international, déclare que, d’après la loi espagnole, l’héritier de Charles II est son neveu le Dauphin de France, fils de sa soeur aînée. Il ajoute qu’il faut respecter la loi des nationalités qui interdit l’union sur la même tête des deux couronnes de France et d’Espagne et n’appeler à la succession que le second fils du Dauphin. Il est étonnant de constater que ce fut dans le même sens qu’opina le conseil du roi d’Espagne, composé cependant en presque totalité de partisans de la Maison d’Autriche.
Charles II teste donc ainsi :
“ ...il déclarait pour son successeur, au cas où il mourut sans laisser d’enfants, le duc d’Anjou, deuxième fils du Dauphin ; ...que c’était fort son intention et qu’il convenait à la paix de la chrétienté et de toute l’Europe et à la tranquillité des royaumes que cette monarchie demeurât toujours séparée de la couronne de France, il déclarait que si le duc d’Anjou venait à mourir ou, qu’héritant de la couronne de France, il la préférât à la couronne d’Espagne, son intention était, en ce cas, que cette succession passât de la même manière au duc de Berry, son frère, troisième fils du Dauphin. Qu’au cas que le duc de Berry vînt aussi à mourir ou à succéder à la couronne de France, il appelait à cette succession l’archiduc, deuxième fils de l’Empereur, son oncle, excluant par la même raison et à cause des inconvénients contraires au bien de ses vassaux, le fils aîné de l’Empereur...” (4)
Louis XIV ne paraît s’être décidé que bien difficilement à accepter ce testament. Il déclara au Conseil qu’il convenait d’attendre «ce qui pourrait venir d’Espagne et si les Espagnols seraient du même avis que leur roi». Il est remarquable de noter ici qu’il n’y eut que lui qui pensa que le peuple avait son mot à dire. D’autre part cette augmentation de l’influence des Bourbons en Europe ne pouvait qu’indisposer fortement les chancelleries, et le roi de France craignait une évolution de la situation vers un conflit.
Cependant le mardi 16 novembre 1700, Louis XIV accepta le testament de Charles II officiellement devant toute la Cour et les représentants des puissances étrangères. Présentant le duc d’Anjou aux assistants, Louis XIV leur dit : «Voilà le roi d’Espagne», et se retournant vers son petit-fils, il ajouta : «Souvenez-vous que vous êtes né Français».
L’accession au pouvoir du nouveau roi d’Espagne se fit sous les acclamations du peuple espagnol et à la stupéfaction de l’Europe qui ne réagit pas.
Jusqu’en 1702 la situation se maintient, à la grande satisfaction de Louis XIV et de ses conseillers persuadés qu’en acceptant le testament, ils causeraient une nouvelle guerre dommageable à notre pays, assez affaibli à cette époque.
Cependant, le 16 septembre 1701, Louis XIV reconnut comme roi légitime d’Angleterre le fils du catholique Jacques II Stuart - en exil en France - aux dépens de la famille d’Orange, usurpatrice de la couronne anglaise. Il respectait ainsi la promesse qu’il avait faite à Jacques II moribond.
Cette reconnaissance déplu fort au prétendant évincé déjà rempli de haine pour la monarchie très chrétienne. Ce dernier forma une nouvelle ligue contre la France, dans laquelle se rangèrent, entre autres, la Hollande protestante et l’Autriche catholique.
Cette guerre est connue sous le nom de guerre de succession d’Espagne. Ce qui est justifié car l’objectif de nos ennemis fut de contraindre le duc d’Anjou, devenu Philippe V, à abandonner son trône.
Mais cela ne doit pas faire oublier que par son origine elle est plus une guerre de succession d’Angleterre.
Des campagnes militaires peu heureuses et les hivers rigoureux de 1708 et 1709 éprouvèrent très durement notre pays qui ne put supporter une prolongation de l’effort de guerre. Providentiellement la victoire de Denain permit à Louis XIV de terminer le conflit avec un léger avantage sur ses adversaires, avantage suffisant pour maintenir son petit-fils sur le trône d’Espagne, mais trop faible pour refuser certaines conditions imposées par l’Angleterre.

Effectivement entre 1700 et 1712, la situation avait considérablement changé, d’une part la France sortait affaiblie d’un rude conflit, d’autre part, une succession de deuils dans la famille royale rapprochait
Philippe V de la succession de France. Obligée d’entériner l’accession d’un Bourbon sur le trône d’Espagne, la coalition redoutait la réunion ultérieure des couronnes d’Espagne et de France sur une même tête.
Elle crut conjurer définitivement cette possibilité en obligeant les Bourbons restant en France à renoncer au trône d’Espagne et Philippe V à renoncer au trône de France pour lui et ses descendants.
Louis XIV et ses juristes tentèrent bien de faire comprendre à leurs interlocuteurs que ces renonciations étaient impossibles et non valides ; ceux-ci ne voulant rien savoir, Louis XIV se plia à cette exigence, ne pouvant retarder l’arrivée de la paix comme nous l’avons vu.
De nos jours, certaines personnes prennent encore au pied de la lettre ces actes diplomatiques, et y voient la justification de l’exclusion des Bourbons d’Espagne de la succession de France.
Nous allons prouver que ces renonciations n’ont pas de valeur suffisante pour justifier une conclusion d’une telle portée.

III- Les renonciations du traité d’Utrecht

3.1. Les renonciations et le droit

Personne ne peut contester l’existence des renonciations de Philippe V au trône de France pour lui et tous ses descendants.
Mais personne ne peut non plus affirmer que tout acte écrit ou déclaration engage dès sa formulation.
Pour la validité de tout contrat, il faut, outre un objet certain, deux éléments essentiels sans lesquels il est radicalement nul : le consentement et la capacité.
 Il faut le consentement de la personne qui s’engage ; ainsi une dame qui donne son sac à un voyou la menaçant de son couteau, ne fait pas une donation valide, la violence est une cause de nullité d’un acte.
 Il faut que la personne qui renonce ait la capacité de le faire, ainsi l’acte par lequel un locataire vend la maison de son propriétaire n’a aucune valeur.
Par ailleurs il faut également que l’acte ne soit pas contraire à la loi.
Nous voyons, donc, trois causes de nullité possibles : la violence, l’incapacité et l’illégalité.
Etudions les renonciations dites d’Utrecht par rapport à ces trois causes de nullité.

Philippe V était-il consentant ?
Lorsque les Anglais exigent les renonciations, Louis XIV et ses diplomates tentent de les éviter jusqu’au bout en démontrant à leurs ennemis la nullité de tels actes, et en proposant des solutions de substitution. Ce n’est que lorsqu’ils comprennent, qu’à défaut de ces actes, la guerre reprendrait, qu’ils acceptent de se plier à cette exigence.
Même à ce stade, Philippe V refuse de souscrire à l’engagement de son grand-père qui lui écrit alors : “Je suis bien fâché de voir que tout ce que j’ai fait pour vos intérêts devienne inutile par la résistance que vous apportez... Il est juste que je songe à mon royaume et que je finisse une guerre qu’il est hors d’état de soutenir d’avantage. Ne vous étonnez pas si vous apprenez que je signe la paix sans vous, aux conditions que mes ennemis me proposent”. (5)
Pour ne pas se retrouver isolé de son grand-père face à toute l’Europe, Philippe V cède à sa pression jointe à celle de l’Angleterre. La violence est flagrante.

Ainsi l’engagement de Philippe V en tant que personne, sur le plan privé, et indépendamment du traité, n’a pas de valeur, car il est le fruit de la violence.
Au niveau international, on ne peut évidemment avoir le même raisonnement, car tous les traités mettant fin à des guerres sont le fruit de la violence, et on ne peut pas parler de légalité à leur sujet. Mais à ce niveau l’engagement n’a jamais plus de valeur que le traité qui les contient, c’est-à-dire aucune dès lors qu’un conflit oppose à nouveau les pays signataires. Ainsi, en 1918, la France a récupéré l’Alsace Lorraine qu’elle avait perdue en 1871.
Or depuis le traité d’Utrecht, on ne compte plus toutes les guerres et tous les traités qui sont venus l’annuler.
Si l’on devait respecter ses clauses, il faudrait combler le port de Dunkerque !

Philippe V et la capacité
Philippe V avait-il le droit de s’obliger ainsi ?
Avait-il le droit d’obliger toute sa lignée ?
Il est certain qu’en général, chacun peut renoncer aux droits, privilèges et facultés qui lui sont conférés pour son avantage personnel. Mais, outre que la couronne n’est pas conférée au souverain pour son avantage personnel, Philippe V n’avait aucun droit de toucher à cette couronne au moment où il y renonçait. Il n’est pas permis de renoncer à un droit que l’on n’a pas. On ne saurait perdre ce que l’on n’a jamais eu. Il est intéressant de noter que le Code civil actuel défend de renoncer à la succession d’une personne vivante.
Passons au second titre au nom duquel Philippe V a renoncé : sa postérité. En droit, on ne peut stipuler que pour soi-même à moins de ratification de celui au nom duquel on stipule. Il est patent que la postérité de Philippe V n’a pas ratifié.
Mais il est un autre principe qui dit que lorsqu’on s’oblige, on oblige ses héritiers. C’est par suite d’une erreur de langage qu’on a coutume de dire que la monarchie était héréditaire ; en réalité, elle était successive.

Philippe V et la légalité
Mais, dit-on, si Philippe V n’était pas en possession de la couronne et ne pouvait, par conséquent, pas y renoncer pour lui et sa postérité, il n’en est pas moins vrai que quelqu’un est intervenu à l’acte : le Roi de France qui absorbait en lui tous les pouvoirs, qui était en un mot la France elle-même.
Nous avons vu que Louis XIV ne s’estimait pas la capacité de modifier les lois fondamentales du royaume. La traditionnelle constitution de la France voulait que côte à côte coexistassent l’intégrité des droits du roi et l’intégrité des droits du peuple.
Au premier rang des droits qui appartiennent au peuple est celui de ne pas être troublé par les compétitions pour le pouvoir et les intrigues qu’elles amènent. Celles-ci sont évitées par la loi fixe, immuable, intangible, de succession par primogéniture masculine et légitime. La coutume n’admettait pas que ni le roi ni le peuple pussent y toucher. Si les États Généraux avaient été convoqués, ils n’auraient pu que dire le droit sans rien y changer et c’est bien pour cela qu’on ne les convoqua pas malgré les demandes de l’Angleterre.
La question de succession au trône était une de celles auxquelles le roi ne pouvait toucher. Donner quelque valeur sur ce point à la signature du roi, c’est être vraiment révolutionnaire.
On en conclut donc que les renonciations d’Utrecht sont nulles parce qu’effectuées sous la violence, par des personnes qui n’en avaient pas la capacité. Et, en outre, l’objet en était illégal.
Cependant, l’on rencontre des objections que nous allons examiner.

3.2. Les renonciations et l’histoire

Les renonciations de Philippe V ne sont pas uniques dans notre histoire et dans celle des autres pays, certaines lui ressemblent même beaucoup.
Or les faits suivant ces renonciations confirment le droit évoqué plus haut, car souvent, il s’est produit l’inverse de ce qu’elles stipulaient, ce malgré le caractère solennel dont on les entourait pour essayer de leur donner plus de valeur :
 En 1612, Anne d’Autriche, arrière-grand-mère de Philippe V, renonce pour elle et tous ses descendants au trône d’Espagne. Ces renonciations ont été confirmées par Louis XIII à sa majorité, et enregistrées par les Cortès de Castille et d’Aragon.
 En 1659, l’infante Marie-Thérèse grand-mère de Philippe V, renonce pour elle et ses descendants au trône d’Espagne, comme cela était convenu au traité des Pyrénées.
Ces doubles renonciations n’ont pas empêché Philippe V de monter sur le trône auquel avaient renoncé ses ancêtres. Pourtant Charles II aurait pu choisir un autre de ses parents qui n’était exclu par aucune renonciation : Léopold d’Autriche ! Certes il y avait aux renonciations de Marie Thérèse une compensation en argent qui n’a jamais été versée par l’Espagne. Mais si on accorde tant de valeur sur le plan international à des renonciations, peut-on les suspendre pour quelques milliers d’écus ?
D’ailleurs dans son testament le roi d’Espagne précise : “...qu’aussitôt que Dieu l’aurait retiré de cette vie, le duc d’Anjou s’appelât et fût, comme il serait, roi de tous ses royaumes et états, nonobstant toutes renonciations et actes faits au contraire, comme dépourvus de raison et de fondement”. (6)
C’est donc bien le manque de raison et de fondement qui annule les renonciations et non pas la somme d’argent non versée.
 Le 14 septembre 1792, Philippe d’Orléans, régicide, a renoncé publiquement pour lui et pour les siens, à ses nom et dignités pour prendre le nom d’Egalité.
Un arrêté de la commune a officiellement accepté ces renonciations par ces lignes : “Louis-Philippe-Joseph et sa postérité porteront désormais pour nom : Egalité”. (7)
Malgré ces renonciations, son fils Louis-Philippe, qui avait pris le titre de général Egalité dans l’armée républicaine, ne protesta pas quand son cousin Louis XVIII lui rendit ses biens en 1814...

3.3. Renonciations et conventions internationales

Certains considèrent que l’accession au trône de Philippe V a opposé une convention internationale aux lois fondamentales du royaume.
Ici la convention internationale serait l’impossibilité en Europe de réunir les deux couronnes d’Espagne et de France, quant à la loi fondamentale en opposition, ce serait la loi de primogéniture mâle.
Face à ce dilemme, les partis présents (y compris Louis XIV) auraient trouvé une combinaison : les renonciations consacreraient un principe de nationalité faisant des descendants de Philippe V une dynastie nouvelle ne pouvant revenir régner en France au regard du risque que cela ferait courir à l’équilibre européen.
Cet argument et ses conclusions ne sont pas recevables pour les raisons suivantes :
 Une convention internationale ne peut pas évidemment de sa seule action interdire à un prince d’une maison régnante de monter sur un trône étranger, car c’est précisément ce qui s’est passé avec Philippe V.

Elle est à ce point fragile que sa seule existence ne suffit pas à fixer les choses ; il faut pour qu’elle devienne loi, qu’elle soit accompagnée de renonciations dont nous avons vu la nullité. Ainsi deux éléments juridiques - qui pris isolement n’ont aucune valeur - formeraient en se rassemblant une loi si grande que toutes les nations n’oseraient la contredire !
Le lecteur sourira de tant de prétentions quand il se rappellera que Marie-Thérèse et Anne d’Autriche respectivement grand-mère et arrière-grand-mère de Philippe V avaient fait des renonciations au trône d’Espagne comparables à celles de leur petit-fils, pour des raisons comparables, mais que cela n’a pas empêché ce dernier d’y accéder.
 Il est faux de prêter à Louis XIV un quelconque assentiment et encore moins une quelconque volonté pour cette prétendue combinaison.
A travers les citations que nous donnerons plus loin, il apparaît clairement qu’avant 1712 il ignore absolument toute convention internationale de ce type, et ses ennemis de même. Durant ses premières années, le règne de Philippe V ne fut pas contesté, et il fut même reconnu par plusieurs pays européens, sans renonciations préalables.
Il apparaît clairement que pendant la négociation du traité, Louis XIV va lutter jusqu’aux limites du possible contre des renonciations qui constituent une violation du droit national. Il le fit avec d’autant plus de coeur, que le décès de plusieurs de ses enfants avait augmenté les risques de les voir s’éteindre sans descendance.
De même après la signature du traité, pas plus Louis XIV que son petit fils ne lui accordent la valeur que certains voudraient lui donner alors que même la reine d’Angleterre ne se faisait à son sujet qu’une illusion démagogique destinée à calmer la haine toute protestante que ses turbulents Parlement et sujets entretenaient contre la fille aînée de l’Eglise.
 Qu’est ce qui pouvait prétendre relever du droit international en 1712 ?
Etait-ce vraiment un droit international qui empêchait l’union de deux couronnes, alors que le cas s’est produit avec Charles-Quint ?
Voici un texte de Torcy, principal ministre de Louis XIV en 1712 qui peut éclairer la question :
“La France ne peut consentir à devenir province de l’Espagne et l’Espagne pensera de même à l’égard de la France. Il est donc question de prendre des mesures solides pour empêcher l’union des deux monarchies ; mais on s’écarterait absolument du but qu’on se propose, et l’on tomberait en des maux infiniment pires, s’il est possible, que celui qu’on veut unanimement éviter, si l’on contrevenait aux lois fondamentales du royaume”. (8)
Après la lecture de ce texte, nous préférons penser qu’il s’est agi pour la succession d’Espagne – au delà des pressions anglaises - non pas du respect d’un droit international, mais plutôt du respect du droit de deux sociétés constituées, parvenues à un stade de perfection qui en a bien établi la grandeur et fixé les limites. Il y a impossibilité de supprimer une de ces deux institutions comme cela se ferait en cas d’unification des couronnes.
Au cours des débats et tractations diplomatiques nombreuses qui ont entouré Utrecht, ce prétendu droit international ne se trouve jamais nommé comme tel, on trouve simplement un conflit ordinaire, que chacun cherche à régler à son avantage, par un traité ordinaire. L’équilibre qui en résulte existe en vertu des constitutions de chaque pays, et change au gré des conflits, il ne constitue pas un droit propre et précis.
Lorsque Charles II choisit Philippe V bien qu’il soit exclu en vertu des renonciations d’Anne d’Autriche et de Marie-Thérèse et bien qu’il soit un cadet, (pas n’importe lequel : l’aîné des cadets !) il trouve un équilibre, la stabilité de l’état qui en résulte justifie son jugement, et nous indique la voie à suivre dans des circonstances comparables.

En admettant enfin que l’aîné des Bourbons se trouve appelé sur les deux trônes, (ce qui n’est pas le cas actuellement mais pourrait se produire par exemple en cas de décès sans enfant de Louis XX) alors on trouverait une solution identique à celle qui a été choisie par Charles II d’Espagne dans son testament : l’aîné reviendrait en France et son cadet le plus immédiat resterait en Espagne. Indépendamment de toutes renonciations et naturalisation étrangère.
Et pour trouver un cadet il ne serait pas utile d’aller chercher un prince révolutionnaire placé très loin de l’aîné. En 1883 à l’extinction de la branche aînée, rien ne permettait d’exclure les Anjou du fait de leur absence, et de considérer les Orléans comme un état de fait du fait de leur présence en France.


IV- L’hispanisation des Bourbons d’Espagne

4.1. Un souci moderne : la nationalité du prince

En réalité, les principaux arguments invoqués contre les légitimistes, tournent autour de ce changement de nationalité.
Loi de nationalité, vice de pérégrinité... les noms changent mais le défaut reproché est le même: les Bourbons d’Espagne ont définitivement identifié leurs intérêts au pays dont ils sont devenus rois en 1700.
Lors de l’extinction de la branche aînée en 1883 en la personne du Comte de Chambord, le successeur ne pouvait être cherché parmi les descendants de Philippe V ; il était impossible à ceux-ci de faire le chemin inverse et de revenir régner en France.
Les chapitres précédents ont assez montré que les lois fondamentales ont engendré la stabilité politique qui a permis l’éclosion de la civilisation de l’Ancien Régime.
C’est parce que nous souhaitons l’existence et la grandeur de notre pays, ordonné au bien commun autrement dit au bonheur ici-bas et au salut des âmes que nous sommes royalistes, que nous voulons restaurer le seul régime politique qui a su en France répondre à ces aspirations de la nature créée par Dieu.
L’importance de la nationalité, du principe de nationalité est souvent invoquée dans les rangs royalistes. Si cela sous-entend : importance de l’existence du pays, alors les légitimistes sont d’accord quoique le terme de «principe de nationalité» ne soit pas très heureux.
Cependant parler de principe de nationalité, de l’existence nécessaire du pays, ne suffit pas. Il faut reconnaître en plus les lois qui règlent l’application de ces principes : ce sont les lois fondamentales.
Ainsi tout fait ou loi dont la bonne application est nécessaire à la vie du pays devient une loi fondamentale.
Pour cette raison les personnes invoquant l’hispanisation comme facteur d’exclusion font souvent référence à une pseudo loi fondamentale appelée loi de nationalité, qui empêcherait un prince étranger de régner en France.
On n’a jamais trouvé trace d’une telle loi dans le corpus des lois fondamentales. Ajouter une nouvelle loi suppose une argumentation solide, notamment historique : on n’invente pas une loi fondamentale comme un arrêté sur la circulation.
Il n’y a aucun juridisme étroit à vouloir démontrer par l’histoire le bien fondé de la monarchie en général et de telle ou telle loi fondamentale en particulier, mais au contraire le respect pur et simple de l’indépendance de l’autorité assurée en France mieux qu’ailleurs par les lois fondamentales. Se priver de cette logique sous des prétextes humains comme les mentalités soumises aux variations du temps et des passions, c’est se priver d’une mécanique fondée sur la nature.
Les légitimistes reconnaissent le Duc d’Anjou bien qu’il soit espagnol, car ils contestent le fondement historique de la loi de nationalité.

4.2. Fonctionnement des lois fondamentales

Au delà d’une simple liste dont chaque partie a une histoire et une définition, les lois fondamentales ont quelques caractéristiques générales qui leur sont communes et qui règlent leur application.
 Tout d’abord, les lois fondamentales se complètent, mais ne peuvent se contredire.
Il n’y a aucune hiérarchie d’importance, et rien ne justifie l’abandon d’une de ces lois pour une autre. Ceci découle bien entendu du fait qu’elles sont le minimum vital du pays et forment ensemble sa constitution. Par exemple si le prince appelé à monter sur le trône n’est pas catholique, le pays attend sa conversion mais personne n’est en droit de choisir le prince catholique le plus proche de l’aîné et d’évincer celui-ci. Ce cas s’est produit avec Henri IV, où malgré la volonté des Guises et de la Ligue de déposer le roi de droit sous le prétexte qu’il était protestant, la France a attendu sa conversion.
La loi de nationalité telle qu’elle est entendue par les Orléans ne respecte pas ce principe car son application conduit à passer outre la loi de primogéniture qui désigne l’aîné, et à choisir le cadet «le plus français».
Il nous faut donc non seulement prendre patience mais travailler pour rétablir des conditions favorables à une restauration monarchique, et alors tout naturellement le Prince reviendra occuper la place que la nature lui a donnée.
 Les lois fondamentales ont une utilité qui saute aux yeux, et sont toutes d’une application aisée.
On le constate à travers l’Histoire et ses accidents. Ainsi il va de soi qu’il n’y a pas de meilleur critère que la primogéniture pour désigner le successeur, cela ne souffre aucun doute : l’aîné est l’aîné, point. Il en va de même de l’exclusion des femmes.
A l’inverse, la prise en compte de la nationalité, non seulement supprime la loi de primogéniture, mais en plus n’a même pas d’intérêt propre. Elle ne conditionne pas du tout le bon exercice de l’autorité, mais au contraire en supprime l’indépendance car sa définition est très subjective comme nous le verrons dans le paragraphe suivant.
 La constitution de l’Ancienne France n’est pas le fruit d’une révélation subite de la Providence.
Elle ne nous est pas arrivée à notre époque inscrite en lettres d’or sur un cahier soigneusement conservé.
Comme le veut leur statut d’expression de la nature, les lois fondamentales n’ont été connues qu’après avoir été appliquées et respectées pendant une durée historique assez longue. Avant d’être explicitées, les lois étaient admises implicitement. L’analyse de l’Histoire nous permet et a permis aux juristes de les dégager des faits. Nos anciennes institutions sont le fruit de ce que Maurras appelait l’ “empirisme organisateur”.
Or comme le suggèrent les lignes ci-après, l’Histoire est parfaitement claire, la loi de nationalité n’est absolument pas une tradition de droit français. Ce dernier point est très important car certains ont tendance à croire que la constitution de l’Ancienne France a toujours été changeante.

4.3. Cas de Princes étrangers accédant au trône de France

Au cours de l’histoire de notre pays nous trouvons plusieurs cas de souverains régnant dans un pays étranger, devenant rois de France au moment où ils deviennent aînés des Capétiens.
Si à ces époques le cas a pu se produire tout en ne compromettant pas la bonne marche de la France, c’est bien que la loi de nationalité n’existe pas.
Voyons ces cas : “Louis VIII faillit être roi d’Angleterre. Philippe VI était fils de Charles de Valois roi d’Aragon et de Valence et empereur d’Orient. Louis XII était fils de Charles Orléans duc de Milan. François II fut roi d’Ecosse. Henri III roi de Pologne. Henri IV Roi de Navarre”. (9)
Enfin plus près de nous, les légitimistes ne contestent pas aux princes de la maison d’Orléans leur qualité de dynastes malgré leur long exil de la fin du 19e siècle et du début du 20e. Simplement l’aîné de cette lignée ne se trouve qu’avec le numéro 80 dans la maison de Bourbon.
On a prétendu qu’Hugues Capet avait été élu pour sauvegarder les intérêts de la France contre le dernier Carolingien, duc de Lorraine, que les seigneurs auraient trouvé trop fidèle à l’Empereur germanique. Rien n’est plus faux. Hugues Capet avait beaucoup de sang carolingien dans les veines. Et il est maintenant bien démontré que c’est précisément l’Empereur qui favorisa son élection pour contrebalancer l’importance du duc de Lorraine en France. D’autre part le clergé y fut favorable car il voyait ainsi rentrer le nouveau roi dans un ensemble européen dirigé par l’Empereur. Bien loin de sauvegarder les intérêts de la France, Hugues Capet était plutôt une créature de l’Empereur.
Le cas le plus flagrant, le plus souvent cité, est celui d’Henri IV. Ses ancêtres régnaient sur la Navarre depuis des lustres. Contrairement à ce que certains ont pu avancer, la Navarre sous Henri IV n’était pas une province française mais un royaume indépendant.
Il saute à l’esprit que si la Navarre avait été française, elle n’aurait pas pu être un royaume, ni ses souverains se titrer rois. En effet s’il existe des duchés souverains et d’autres non (les plus nombreux), en revanche il n’y a pas de royaume qui ne soit pas souverain. Royaume et vassalité s’excluent pour une même terre (Ce qui ne veut pas dire qu’un roi ne puisse être vassal pour une terre autre que celle à laquelle il doit son titre de roi).
Il est vrai que par son mariage avec Philippe le Bel, Jeanne de Navarre héritière de ce royaume, a bien failli l’unir à la France. La dot que la France reçut de Jeanne fut la Champagne et la Brie, provinces déjà vassales de la couronne, et qui y furent unies dès lors. Si Philippe le Bel administra la Navarre pour son épouse, notamment en réprimant la révolte des Castillans, il ne prit pas le titre de roi de Navarre. Ses trois fils en héritèrent successivement de leur mère, mais à la mort sans enfant du troisième, ce royaume, au lieu de passer aux Valois comme l’exigeaient les lois fondamentales pour le reste de la France, devint la propriété de Jeanne II, fille de Philippe le Bel et de Jeanne de Navarre. La loi salique ne s’appliqua donc pas en Navarre.
De Jeanne II la couronne tomba à plusieurs reprises en quenouille, aux Rois d’Aragon, aux Comtes de Foi, d’Albret, enfin aux Bourbons. Durant toute cette période la Navarre fut totalement indépendante de la France, en un mot un royaume. Un royaume si bien distinct qu’Henri IV conserva son titre de Roi de Navarre à côté de celui de Roi de France ; ses descendants firent de même jusqu’en 1830. Le 4 août 1789 les députés navarrais abolirent les privilèges de la Navarre et la déclarèrent française. Cette euphorie parisienne fut très mal acceptée sur le terrain concerné, et le peuple navarrais protesta fermement contre le bon marché que l’on faisait ainsi de son indépendance ; on devine quel crédit la Convention accorda à ces réclamations populaires !
Le fait que les différentes familles ayant régné en Navarre aient eu des apanages en France n’atténue en rien le caractère étranger de leur souveraineté navarraise.
Le jeu très révolutionnaire qui consiste à tout passer au crible de la nationalité oblige à considérer le
Roi d’Angleterre Edouard III plus français que Philippe VI : il était plus proche parent du roi défunt par sa mère que les Valois et possédait sur le territoire français les trois quarts de ses biens : aurait-il dû alors régner en 1328 à la place de Philippe VI ?
On nous avancera qu’Henri IV avait reçu une éducation française ; dans la même veine on va arguer qu’Henri III n’a pas régné très longtemps en Pologne, que si les princes de la maison d’Orléans ont dû s’exiler, ce n’était pas volontaire... Bien ! Mais alors qu’elle est cette durée assez longue, cette éducation trop peu française, cet exil assez volontaire pour faire perdre à un prince sa qualité de dynaste ?
Qui peut définir les règles sur lesquelles le jugement pourra s’appuyer ?
Le bon sens ? Certes le bon sens est nécessaire en politique pratique, mais pas au stade des lois fondamentales qui désignent la personne devant exercer ce bon sens. Faire intervenir le bon sens dans la désignation de cette personne, alors tout le monde pourra invoquer son propre bon sens !
Ce sera le règne sur la politique des sens tout court, des passions et des bas intérêts noyés dans les trésors de rhétorique avec lesquels les gens plus ou moins honnêtes s’essayent à la politique en refusant dès le départ l’indépendance simple et claire que lui confèrent les lois fondamentales.

4.4 - Textes de l’Ancien Régime ayant trait à la nationalité des Rois

Nous ne sommes pas les premiers à faire des recherches sur la constitution de l’Ancienne France, de nombreux juristes se sont penchés sur ces questions, et leurs études ont servi de base à nombre d’actes émanant du Parlement de Paris, ou des souverains.
Il faut cependant garder à l’esprit les limites de ces actes, surtout pris isolément : bien qu’intéressants pour notre étude, ils ne font pas les lois fondamentales. Certains ont même été contre elles, tel Louis XIV qui a essayé de légitimer ses bâtards. Ces tentatives particulières ont aussitôt été dénoncées avec vigueur et annulées car elles contredisaient la coutume généralement admise.
Ainsi pour étudier les lois fondamentales, il ne faudra pas accorder d’importance à un texte s’il contredit la globalité des actes le précédant et le suivant sur un sujet. Il ne faut pas également accorder à une phrase un sens qui n’est pas du tout celui que l’auteur voulait exprimer et que le contexte de l’époque nous livre.
Voici quelques textes qui vont nous aider à peser l’importance de la nationalité accordée au Prince dans l’Ancienne France :

 1583 : Lettres patentes
“Aujourd’hui vingt deuxième jour d’août, l’an mil cinq cens soixante treize, le roi étant à Paris, considérant que les événements des choses futures sont en la main de Dieu seul, qui en dispose selon sa providence, le conseil de laquelle est incogneu, et affin d’obvier à tous doubtes et scrupules que le temps, par les occasions, pourroit engendrer à l’avenir, à cause que messeigneurs, frère dudict seigneur Roy, pourroient etre absent et demeurer hors de ce royaume et que leurs enffans, à l’adventure, naistroient et demeuroient en pays estrange et hors cedict royaume, a dict et déclairé, ou il adviendroit (que Dieu ne veuille) qu’icelluy seigneur Roy decédast sans esffans masles, ou que ses hoirs masles défaillissent, en ce cas le roy esleü de Pologne, duc d’Anjou et de Bourbonnoys, comme plus prochain de la couronne seroit le vray et légitime héritier d’icelle, nonobstant qu’il fust lors absent et résidant hors cedict royaume.
Conséquemment et immédiatement après, ou en défault dudict seigneur roy esleü de Pologne, ses hoirs masles procréez en loyal mariage viendroient à ladicte succession, nonobstant qu’ils fussent naiz et habitassent hors cedict royaume. Après, ou en déffault desdicts hoirs, Monseigneur le duc d’Alençon viendroit à ladicte succession, et après lui ses hoirs masles descendu par loyals mariage, nonobstant aussi que ledict seigneur duc fust à l’adventure absent et résidant hors ce royaume et que ses enffans naquissent et demeurent hors icelluy...” (10)

 1700 : les lettres patentes de Louis XIV
“...Nous croyons aussi lui faire une injustice dont Nous sommes incapables, et causer un préjudice irréparable à notre royaume, si Nous regardions désormais comme étranger un Prince que Nous accordons aux voeux unanimes de la Nation Espagnolle...”
“...Le Roy d’Espagne usant des droits de sa naissance, soit le vray et légitime successeur de Nostre Couronne et de nos Etats, nonobstant qu’il fut absent et résident hors de Nostre dit Royaume. Et immédiatement après son deceds, ses hoirs masles procréez en loyals mariage, viendront à ladite succession, nonobstant qu’ils soient nez et qu’ils habitent hors de Nostre dit Royaume, voulant que pour les causes susdites nostre dit Petit Fils le Roy d’Espagne, ny ses enfans masles ne soient censez et réputez moins habiles et capables de venir à ladite succession, ny aux autres qui leur pourroient échoir dans Nostre dit Royaume ; entendons au contraire que tout droits et autres choses généralement quelconques qui leur pourroit à présent et à l’avenir competer et appartenir, soient et demeurent conservez saines et entières, comme s’ils résidoient et habitoient continuellement en Nostre Royaume jusqu’à leur trépas et que leurs hoirs fussent originaires et régnicolles...”(11) D’Aguesseau précise bien l’importance seconde de ces lettres patentes vis-à-vis des lois fondamentales :
“Ce sont des lettres de précaution et non pas de nécessité. Il est de la prudence de tous les hommes et encore plus de ceux qui règlent les destinées des empires, de prévoir et de prévenir jusqu’aux plus mauvaises difficultés...” (12)
On a prétendu que Louis XIV en 1700, en disant à Philippe V “Soyez bon espagnol mais souvenez vous que vous êtes né français” signifiait à son petit-fils la perte de ses droits à la couronne de France ; on voit bien qu’il n’en est rien à la lecture des lettres ci-dessus.
D’ailleurs dans ses “Instructions au duc d’Anjou” Louis XIV dit également
“N’oubliez jamais que vous êtes français, et ce qui peut vous arriver quand vous aurez assuré la succession d’Espagne par des enfants”. (13)
Ce qui prouve que Louis XIV en disant “soyez bon Espagnol” recommande simplement à son petit-fils de bien remplir son devoir d’état de souverain, et que la portée de la seconde partie de cette citation
“Souvenez vous que vous êtes né français” ne doit pas être sous-estimée.
Les lettres patentes ci-dessus qui datent de la même époque confirment parfaitement la pensée du Roi.

 1713 : Le Parlement de Paris et l’exclusion des Bourbons Anjou de l’ordre de succession
On a cité plus haut de larges extraits des lettres patentes de 1700 par lesquelles Louis XIV entendait maintenir Philippe V et ses descendants ad vitam aeternam dans leurs droits à succéder. Ces lettres qui s’appliquent donc aujourd’hui à Louis XX furent enregistrées correctement par le parlement de Paris.
Evidemment en 1713, à l’issue du traité d’Utrecht, un problème se pose avec les renonciations dont on sollicite l’enregistrement du même parlement, car entre 1700 et 1713 les lois fondamentales n’ont pas changé, et les deux actes sont foncièrement contradictoires ! Le Parlement de Paris refusa d’enregistrer les renonciations correctement : Ponchartrain, chancelier, et d’Aguesseau procureur général du roi refusèrent d’être présents, le roi ne leur avait même pas donné l’ordre de s’y rendre.
Lors de la séance, le premier président Jean-Antoine de Mesmes déclara : “qu’il avait cru que le devoir de sa charge l’obligeait de prendre la liberté de représenter à sa majesté qu’une telle renonciation était absolument opposée aux lois fondamentales de l’état qui depuis tant de siècles, règlent si heureusement l’ordre de succession à la couronne. Que le Roy lui avait fait l’honneur de lui répondre que personne n’avait mieux senti que luy tout ce qu’on pouvait dire et penser sur ce sujet, qu’il l’avait assez fait connoistre en ne consentant à la renonciation qu’après avoir inutilement tenté toutes les autres voyes de parvenir à la paix”. (14)

 1713 : Le traité d’Utrecht
Ce traité a déjà été abordé plus haut pour les renonciations qu’il comprenait et dont nous avons montré la nullité.
Il ne faut pas être étonné de le voir réapparaître ici, car il est à l’origine du débat sur la loi de nationalité : Ce traité règle l’accès au trône d’Espagne des ancêtres de Louis XX. Les nombreux diplomates intervenant dans les négociations ont naturellement été amenés à soulever le problème de l’hispanisation de cette branche des Bourbons susceptible de devenir l’aînée, ce qu’elle est effectivement devenue.
Louis XIV avait cru régler le problème par les lettres patentes de 1700 citées plus haut. Par les renonciations qu’ils imposent, les Anglais vont remettre le problème sur le tapis, et susciter une levée de boucliers en France à laquelle nous devons les citations ci-après.
Voyons donc quelle a été l’attitude des parties en cause face à ce problème de la nationalité.
- Les Anglais ne l’ont pas opposé à Louis XIV pour lever ses réticences face aux renonciations ; pourtant, pourquoi hésiter à renoncer à quelque chose qui de facto n’appartenait plus aux renonceurs du fait de leur hispanisation ?
Or à aucun moment ils n’abordent ce problème, conclusion : il n’existe pas.
- Louis XIV, ses ministres et plénipotentiaires ont accepté les renonciations sous la contrainte, ils les ont combattues comme contraires aux lois fondamentales. Cette lutte va durer plusieurs mois durant lesquels Louis XIV et ses juristes vont se battre et affirmer les droits de la branche d’Espagne.
Voici quelques extraits de cette lutte :
“Cette proposition est si contraire aux lois fondamentales de mon Royaume qu’un pareil engagement de la part du Roy d’Espagne ne pourroit jamais subsister, et bien d’asseurer la paix, il pourroit donner lieu à des guerres dont personnes ne verroit la fin”. (15)
“C’est un expédient (les renonciations) qui ne peut jamais être bon quand bien même sa majesté catholique (Philippe V) serait assez mal conseillée pour l’accepter. Les lois du royaume s’y opposent, et l’ordre qu’elles établissent pour la succession à la couronne ne se peut changer pour quelques raisons que ce puissent être”. Torcy principal ministre de Louis XIV. (16)
“Le roi n’est pas maître de changer les lois de son royaume ; c’est ce que démontre très bien un fameux magistrat, Jérome Bignon avocat général, lorsqu’il écrit qu’en vertu de ces lois, le prince qui est le plus proche de la couronne en est héritier de toute nécessité”. Abbé Gauthier. (17)
“On n’a point mis jusqu’à présent dans la bouche de nos Roys cette maxime qui suppose qu’un prince est incapable de succéder à une couronne à laquelle la voix de la nature l’appelle parce qu’il est né ou qu’il demeure dans un pays étranger”. d’Aguesseau, procureur général du roi. (18)
Force est donc de constater que les renonciations furent le triomphe de la pression anglaise seule, et pas du tout de la loi de nationalité.

 Au XVIIIe siècle : Les infants d’Espagne et les ordres royaux de France
Au cours du 18ème siècle les infants d’Espagne sont considérés comme des enfants de France, et à ce titre recevaient dès leur baptême les ordres du roi de France, comme cela avait été convenu entre Louis XIV et Philippe V en 1707.
Les souverains après 1713 n’ont donc pas tenu compte des renonciations.

 1791 La constitution écrite nie l’effet des renonciations
Malgré les tentatives désespérées de Philippe Egalité pour que la première constitution écrite qu’ait eue la France révolutionnaire exclue les Bourbons Espagne, les députés refusèrent d’écouter ses hommes de main (Mirabeau) mais insérèrent le texte suivant :
“Rien n’est préjugé sur l’effet des renonciations dans la race actuellement régnante” (19)

 1792 : Louis XVI reconnut ses cousins espagnols comme dynastes
En 1792 Louis XVI choisit son cousin Charles IV d’Espagne comme chef de la seconde branche pour protester contre les abus révolutionnaires :
“Je dois à mes enfants, je dois à ma famille et à toute ma maison de ne pouvoir laisser avilir entre mes mains la dignité royale qu’une longue suite de siècles a confirmée dans ma dynastie... j’ai choisi votre majesté comme chef de la seconde branche pour déposer en vos mains la protestation solennelle que j’élève contre tout les actes contraires à l’autorité royale qui m’ont été arrachés par la force depuis le 15 juillet de cette année”. (20)
En cette fin du 18e siècle, dans l’esprit de nos ancêtres, l’ordre établi pour la succession ne fut nullement bousculé par la nationalité, et les Bourbons d’Espagne conservèrent leur rang et leurs devoirs vis-à-vis de la couronne française.

 1830 Acte appelant au trône Louis Philippe
Ce texte qui acheva de séparer le roi bourgeois des lois fondamentales dit : “l’intérêt pressant du peuple français appelle au trône S.A.R. Louis-Philippe Orléans, duc d’Orléans, lieutenant général du royaume, et ses descendants, à perpétuité, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture et à l’exclusion des femmes et de leurs descendants”. (21)
Rien sur les renonciations et la nationalité étrangère.

 1847 : Louis-Philippe nia la valeur des renonciations, et la prétendue loi de nationalité
L’objectif des Anglais en imposant les renonciations était d’écarter toute possibilité d’union des couronnes de France et d’Espagne sur une même tête afin d’éviter la naissance d’une puissance continentale trop importante.
Pour cela ils ne se contentèrent pas d’imposer aux Bourbons d’Espagne les renonciations que beaucoup de tapage ont fait connaître, ils imposèrent avec logique des renonciations au trône d’Espagne à tous les Bourbons restant en France. Ces dernières renonciations n’ont fait parler d’elles qu’une fois, et ce fut pour en démontrer la nullité, mais ce qui est plus piquant c’est que cette démonstration fut faite par l’orléaniste Charles Giraud juriste patenté de Louis-Philippe, et qu’il taxa également de nullité les renonciations dans l’autre sens, ce qui est logique.
Cette thèse intéressante pour nous fut produite lorsque Louis-Philippe maria son fils le duc de Montpensier à l’infante Maria-Luisa-Fernanda, héritière présomptive du trône d’Espagne. Ce mariage intervenant en considération de la probabilité importante que cette dernière hérite du trône (ce qui ne s’est pas produit), Louis-Philippe entendait bien qu’elle puisse le transmettre à ses enfants, Orléans par le mariage de leur mère avec le duc de Montpensier. Il fit donc lever le léger obstacle que représentait le traité d’Utrecht et ses renonciations par Charles Giraud.
Voici quelques citations tirées de cette étude qui montre qu’à cette époque pas plus qu’aux précédentes, les renonciations et la nationalité importaient :
“Il est incontestable qu’il n’appartient à aucun souverain, dans nos monarchies modernes, de transmettre la succession de la couronne à un de ses fils cadets au détriment de son fils aîné ; a fortiori est-il constant qu’il pourrait encore moins les forclore, tous ensemble et en masse, personnellement et à perpétuité (surtout par un acte isolé de sa simple volonté) de leurs droits éventuels de succession à la couronne. Il ne la porte lui-même qu’en vertu des mêmes droits dont ses descendants sont investis, ipso jure, comme il l’était lui-même, par les lois, coutumes et règlements de son royaume, lorsqu’il est monté sur le trône”. (22)
“...Nul n’a le droit, ni heureusement le pouvoir de mettre ses héritiers en état d’incapacité générale, et d’imprimer ainsi un caractère de mort civile à une série indéfinie de générations. Des clauses aussi exorbitantes sont forcément reléguées dans le domaine des clauses de style qui n’ont jamais été tenues pour obligatoires dans le droit commun des peuples civilisés de l’Europe”. (23)
En considérant ainsi que les descendants du duc de Montpensier pouvaient régner en Espagne, et que les descendants de Philippe V pouvaient toujours régner en France, Charles Giraud ignore donc la loi de nationalité, ainsi que Louis-Philippe pour qui ce livre est écrit.
Précisons qu’à un niveau plus officiel encore, une commission gouvernementale présidée par Guizot aboutit aux mêmes conclusions.

1883 Le Comte de Chambord ne reconnut pas la loi de nationalité
(Source: Manifeste légitimiste)
Du fait de son autorité morale, le témoignage du Comte de Chambord a son importance. La difficulté réside dans le fait que les différentes familles royalistes l’invoquent chacune pour servir leurs intérêts. Pour cette raison nous introduirons ce paragraphe en précisant ceci :
Le Comte de Chambord n’a pas exprimé sa pensée de manière suffisamment claire et tranchée pour que son avis ne génère aucun doute : il n’a jamais dit publiquement : “je proclame que l’ordre de succession désigne untel pour me succéder”. Il n’a jamais dit non plus “je proclame qu’untel n’est pas mon successeur désigné par les lois fondamentales”. La raison de ceci est sans doute qu’il ne voulait pas compliquer une éventuelle restauration de son vivant, en divisant les troupes royalistes sur un sujet aussi épineux et qui ne nécessitait pas de réponse de son vivant.
Plusieurs fois il s’est lamenté de ce que même ses amis ne le comprenaient pas car beaucoup de ceux qui l’entouraient pensaient que les Orléans le suivaient dans l’ordre de succession. Cela n’est pas étonnant quand on connaît le libéralisme et le manque de formation des royalistes en général et des légitimistes en particulier à l’époque.
Le Comte de Chambord a toujours affirmé que s’il montait sur le trône il se prononcerait de manière claire, sans craindre alors d’entraver une restauration devenue un état de fait. Le Prince a sans cesse affirmé que la succession était déterminée par la loi ; il faut donc connaître cette loi.
Cependant voici quelques faits et citations qui permettront aux légitimistes de savoir que le Comte de Chambord était avec eux.
Le R.P. Bole S.J. aumônier du roi déclara :
“Je suis aujourd’hui pleinement convaincu des droits des Bourbons d’Espagne, et je dois cette croyance au roi qui a heureusement combattu mes erreurs et éclairé ma foi”. (24)
Monseigneur Amédée Curé, aumônier du roi, disait au sujet des Orléans : «non il (le Comte de Chambord) ne les reconnaissait pas (les Orléans), il ne les avait jamais reconnus et même avait défendu à ses partisans de les affirmer publiquement… A ses yeux, le véritable héritier des droits à la couronne devait être cherché dans la branche Anjou...» (25)
Le même ecclésiastique affirme dans une lettre :
“Il est constant que jamais M. le Comte de Chambord n’a voulu faire une reconnaissance des droits de M. le Comte de Paris... Au moment ou M. le Comte de Chambord, avant de mourir, a ouvert les bras à M. le Comte de Paris, il a été stipulé que les principes resteraient toujours intacts”. (26)
Cette dernière phrase est intéressante, car elle donne son véritable sens aux réconciliations et entrevues qui ont eu lieu entre le Comte de Chambord et les Orléans. Ceux-ci ont cherché à en faire une reconnaissance de leur droit. C’est abusif, et le texte suivant qui a été donné aux Orléans en 1872 comme condition à une éventuelle entrevue, éclaire le problème, s’il n’en donne pas la solution définitive :
“Monsieur le Comte de Chambord sera charmé de recevoir les princes Orléans quand ils viendront à lui, mais, avant qu’aucune relation de famille ne soit renouée, il faut :
1 - Qu’ils reconnaissent le principe de la légitimité.
2 - Qu’ils reconnaissent son représentant comme roi.
3 - Qu’ils reprennent leur rang dans la famille royale sans aucune condition...” (27)
En 1873 une nouvelle note est envoyée : “il faudrait que le comte de Paris dise qu’il vient reconnaître le principe et se placer à son rang dans la famille...” (28) Or comme le fait remarquer Watrin, si ce fameux rang eut été immédiatement après le Comte de Chambord on ne voit pas ce qui explique les réticences du Comte de Paris : “La vérité est que son rang en était séparé par toute la distance que remplissaient les Bourbons Anjou”. (29)
Le 3 octobre 1868, le Comte de Chambord laisse passer sans aucune protestation un manifeste dans lequel l’aîné des Bourbons Espagne affirme son droit au trône de France :
“J’entends également maintenir par cet acte tous mes droits au trône d’Espagne et mes droits éventuels à celui de France si la branche aînée représentée aujourd’hui par mon auguste oncle Henri V, que Dieu garde, venait à s’éteindre”. (30)
A l’inverse il proteste vigoureusement, par écrit ou verbalement contre tous les actes faisant des Orléans ses dauphins.
La Comtesse de Chambord paya les frais d’impression du livre de Th. Deryssel dont le titre dit assez quel était l’avis de l’auteur, par ailleurs légitimiste notoire, «Mémoire sur les droits de la maison d’Anjou à la couronne de France».
D’autre part la Comtesse de Chambord veilla sévèrement à ce que les dernières volontés de son mari concernant l’ordre de ses obsèques soient respectées, elle refusa donc les tentatives faites par les Orléans pour marcher en tête du cortège. L’obligation pour ceux-ci de descendre derrière leurs aînés leur déplut à ce point qu’ils n’assistèrent pas à la cérémonie. Par cet acte ils manifestèrent qu’ils ne se sentaient pas du tout reconnus par le Comte de Chambord.
La Comtesse de Chambord, en respectant les dernières volontés de son mari eut à subir les sentiments les plus noirs des orléanistes.
Il est intéressant de noter au sujet de ces obsèques, que le Comte de Chambord ne choisit pas pour marcher en tête du cortège ses neveux proches les Bourbons Parme, mais Jean III de Bourbon aîné de cette maison, bien qu’il ne l’estima pas à cause de sa vie mouvementée ; il respecte ainsi l’aînesse, nonobstant ses préférences :
“Je désigne pour prendre la tête du convoi, mes neveux les princes d’Espagne, mes neveux de Parme, élevés par moi à Frohsdorf ”. (31)
Enfin le Comte de Chambord, s’il légua tous ses biens privés (ou la plupart) au Bourbons de Parme qui étaient ses neveux directs, transmit par contre tous ses biens publics (archives, ordres royaux) à Jean III de Bourbon aîné de cette famille. Le Comte de Chambord par ce geste testamentaire montre que Jean III bien qu’Espagnol n’en conservait pas moins sa place dans l’ordre que les lois fondamentales établissent pour la succession.
Il est indéniable que la plupart des personnalités de l’entourage du Comte de Chambord se sont ralliées aux Orléans. Ils appartenaient tous à la fraction brillante, courtisane, de cet entourage, ils n’entraient pas dans l’intimité du Prince comme les personnages que nous avons cités plus haut. Ces défections n’infirment pas les citations précédentes, car les personnes qui ont failli n’ont jamais pu établir une relation de cause à effet entre leur comportement et la pensée du Comte de Chambord. Ces défections ne prouvent que le manque de conviction raisonnée et profond de leur royalisme, le peu de place qu’occupaient les lois fondamentales dans leur esprit. Le seul «témoignage» qu’ils ont pu produire ne vient même pas de leur observation près du Prince, mais d’une citation falsifiée parue dans le journal : “la Liberté de Paris”.
Citation qui circule encore de nos jours. Il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour deviner qu’avec un nom pareil ce journal ne peut qu’être orléaniste.

 1909 : Petite «recette de cuisine» dynastique Orléaniste

Le 26.4.1909, une convention a été passée entre les Orléans français et les Orléans Bragance qui sont brésiliens. Cette convention prévoit que les Orléans Bragance quoique brésiliens et prétendant au Brésil, restent successibles au trône de France. Par contre ils perdent leur rang de primogéniture, et passent après tous les Orléans français même leurs cadets.
Deux choses sont remarquables dans ce texte : Premièrement la loi de nationalité que ces princes signataires invoquaient contre les Bourbons d’Espagne ne s’applique pas à l’encontre les brésiliens !!!
Deuxièmement il y est fait bon marché de la loi de primogéniture !!!
Nous rejoignons parfaitement monsieur Hervé Pinoteau quand il qualifie cela “d’incroyable cuisine si loin de l’automaticité du droit monarchique”. (32)

4.5. Hispanisation et mentalités contemporaines

Nous avons bien dit dans le titre mentalités contemporaines, car les lignes ci-dessus on montré le peu de cas que nos ancêtres faisaient de la nationalité de leur roi, et le peu de cas que les juristes ont fait de l’hispanisation future des Bourbons Anjou quand ils ont affirmé le maintien de leur droit au trône de 1700 à 1713.
Il est inadmissible pour un royaliste d’invoquer les mentalités pour se faire une idée sur un point aussi important, permanent, et dégagé des volontés individuelles que les lois fondamentales. Aucun pays ne peut se vanter d’avoir eu une constitution aussi bonne, car aussi indépendante qu’en France, comme le dit Bonald. Mais passez-la au crible des mentalités, jaugez-là à l’aune de sa cote dans les sondages, il ne restera plus rien de bon dans l’institution ainsi filtrée, qui ne vaudra pas mieux que cette monarchie anglaise si chère à madame de Staël. Et puis, à ce train, il faut aussi éliminer la religion catholique de notre doctrine, car elle aussi est dépassée les mentalités contemporaines n’en veulent plus ! Et puis la loi salique : quel obscurantisme !
Dès lors que l’on commence à fausser ce que la nature nous dit être bon pour l’homme en demandant aux hommes ce qu’ils en pensent, il n’y a plus de légitimité, et il ne reste de royaliste qu’un nom usurpé. Il faut être forts dans les principes et souples dans leurs applications. “de l’absolu dans la constitution et du relatif dans son application”. Les régimes totalitaires se voulaient souples dans leur constitution, ils ont été obligés de pallier la faiblesse ainsi causée en tyrannisant les peuples jusqu’aux domaines les plus privés dans lesquels une bonne constitution intervient peu en laissant la gestion aux individus qui en sont responsables.
D’autre part il paraît abusif, à l’heure de la mondialisation, d’affirmer de manière péremptoire, que les mentalités françaises ne sauraient accepter un prince venant d’Espagne. Elles se sont bien accommodées d’un roi venant de Navarre. De même les Espagnols n’ont pas fait de difficultés pour accepter Philippe V : il y a tout lieu de penser qu’il en serait de même en France.
Dans le même ordre d’idée que les mentalités, il convient d’aborder le problème du «consensus» dont la famille Orléans a effectivement fait l’objet au début du siècle.
Remarquons tout d’abord avec quelle élégance ces choses là sont dites, car en vérité entre suffrage universel et consensus il n’y a pas de différence de nature. Le mot de consensus n’a pas lieu d’être dans la bouche d’un royaliste, c’est un mot qui, après avoir condamné Jésus-Christ et sauvé Barabbas, a guillotiné Louis XVI, renversé Charles X, empêché le Comte de Chambord de restaurer la monarchie, arraché les crucifix de nos écoles, pillé les églises et chassé les congrégations…
D’autre part, le consensus autour des Orléans est dû en grande partie au manque de formation des légitimistes du XIXe siècle, et de la mauvaise orientation de l’Action Française qui s’en est ensuivie.
Les légitimistes reconnaissent parfaitement l’apport important et durable de l’Action Française et de Maurras à la Contre-Révolution. Cela ne veut pas dire que la doctrine de Maurras se substitue à la constitution déclinée par les lois fondamentales. Son orléanisme est sans doute le plus grand défaut que l’on puisse lui reprocher en politique.
Cependant il faut atténuer et nuancer ce reproche. Lorsque Maurras et ses amis se réunissent au café de Flore, pour réfléchir sur les maux du pays qui est le leur et qu’ils aiment, ils sont pour la plupart agnostiques et d’origine républicaine. Quand leurs recherches les ont rapprochés de la monarchie, ils se sont tournés vers les catholiques qu’ils ont vu marcher comme un seul homme dans le Ralliement «conseillé» par Léon XIII. Ils se sont tournés vers les royalistes notoires de l’époque, tel le marquis de la
Tour du Pin. Ces derniers avaient presque tous choisi la solution de facilité après la mort du Comte de
Chambord : l’Orléanisme, car ils ne connaissaient pas les lois fondamentales, pas plus dans le détail qu’en général. La meilleure preuve c’est qu’ils se déclaraient presque tous pour une monarchie parlementaire, et que la plupart n’ont pas su refuser le Ralliement conseillé par Léon XIII.
Ainsi Maurras est devenu orléaniste comme il serait devenu légitimiste si l’élite royaliste de l’époque l’avait été.

V- L’aînesse dans l’histoire de France

“Quand vint Jeanne d’Arc, tout un parti d’hommes nés Français acceptait comme roi de France Henri d’Angleterre. Cauchon vous eût prouvé qu’il n’était pas étranger, ayant abondance de sang français par sa mère Catherine de France, et de son chef étant d’une race française, les Plantagenets...”(33)
Nous rajouterons à ces lignes de l’orléanissime marquis de Roux que ce même Henri d’Angleterre avait plus de sang capétien direct dans les veines que le roi légitime d’alors Charles VII, que le plus clair de son domaine était situé en France. (Richard Coeur de Lion est enterré à Fontevrault). La cour de Londres parlait français.
Si l’on suit donc le raisonnement que les orléanistes nous rétorquent pour expliquer l’accession d’Henri IV sur le trône nonobstant sa qualité de roi d’un pays étranger : qu’il avait une éducation française, des possessions en France, un royaume à proximité... et bien alors se trouve expliqué que sous Charles VII certaines personnes suivant la même démarche aient accordé la qualité de français à Henri VI (ce qui n’est sans doute pas faux : allez affirmer qui était français à l’époque !). Il faut donc trouver une raison majeure qui ait pu repousser ce prince du trône de France dont il me semble qu’il n’était pas si éloigné sur la base des critères orléanistes.
Il se trouve que cette raison réside dans le fait que l’aînesse en France est l’aînesse de la race, du sang, du nom. Et si Henri VI était étranger c’est à ce titre. Comme nous l’avons étudié dans le chapitre sur les lois fondamentales, le nom compte beaucoup en France, et à l’inverse, la nationalité peu.

VI- Conclusion sur l’orléanisme

Si l’on respecte l’ordre de primogéniture, il y a presque une centaine de Bourbons masculins appelés à régner avant le Comte de Paris. Il faut remercier la Providence d’avoir placé ce prince, franc-maçon notoire, très loin du trône.
Ce qui est encore plus piquant, c’est qu’il n’est même pas l’aîné des Bourbons français, et vivant en France ! Il y a, le précédant, des princes de Bourbon Sicile et de Bourbon Parme ! Alors logiquement les Orléanistes devraient soutenir l’aîné des Bourbons Sicile français vivant en France ! Comme cela n’est pas, il faut bien admettre que ce qui nous sépare des orléanistes ce n’est pas une compréhension autre des lois fondamentales et de leur application, c’est un différend qui se situe à la base même de la politique.
Force est de constater qu’entre la doctrine de Maurras et celle des orléanistes actuels la distance est grande. Les principes politiques tels que les énonçaient Bonald et Maurras, passent au second plan, derrière des considérations de nombre, de consensus, de réalité pratique et autres notions prérévolutionnaires. Elles font perdre à la doctrine royaliste tout son intérêt et toute sa force qui réside uniquement dans l’indépendance de l’autorité.
Le refus par les orléanistes des lois fondamentales telles qu’elles nous ont été léguées, en est une expression remarquable.
L’orléanisme doit être refusé avec force car c’est une forme subtile de révolution.

VII- Deux faits remarquables concernant la légitimité

7.1. La guérison des écrouelles par CHARLES X

La guérison des écrouelles tient une place importante dans l’histoire de la monarchie. Effectivement, c’est une grâce par laquelle Dieu manifeste l’affection qu’il porte à la France ; sans souffrir de notre confusion sur ce qu’il entend être la France ; car ce privilège n’a été concédé qu’à l’institution royale, et est exercé par l’aîné des Capétiens clef de voûte de cette institution. Il n’est donc pas téméraire de considérer l’exercice de ce privilège comme un signe de légitimité.
Voilà pourquoi nous reproduisons le récit du chanoine Cerf sur la guérison des écrouelles par Charles X. Cela peut servir à éclairer ceux qui pensent un peu facilement que Louis XVII a eu une descendance.
Cette relation partielle est tirée de l’excellent livre “Charles X roi méconnu” de Monsieur Griffon. (34)
“Comme aussitôt après la cérémonie du sacre des rois de France, les scrofuleux étaient touchés par le monarque, des malades en grand nombre se rendirent à Reims [à l’hospice de Saint Marcoul] au moment du couronnement de sa Majesté Charles X. Pleins d’espérance, ils se racontaient les guérisons opérées au sacre de Louis XVI ; ils se montraient l’un à l’autre ceux qui, touchés à cette époque, étaient réellement guéris, car plusieurs étaient revenus pour exprimer aux soeurs et au roi leur reconnaissance.
“Quel ne fut pas leur désespoir lorsque le bruit se répandit dans la communauté que le roi ne toucherait pas les malades. Beaucoup se retirèrent : ils n’avaient pour la plupart aucune ressource et ils étaient sans asile.
“ ...Le roi fut informé de ce qui se passait à Saint Marcoul. Par ses ordres, une somme d’argent fut de suite remise à la supérieure pour être distribuée aux plus nécessiteux. Les malades ne réclamaient pas d’argent ; ils désiraient leur guérison ; ils la réclamaient avec insistance... Charles X, n’écoutant que son coeur, décide que le lendemain il irait à l’hospice Saint Marcoul.
“Le mardi 31 mai, dès le matin, tout étant préparé dans l’hospice, les malades furent visités par M. Noël, docteur-médecin attaché à l’établissement, en présence de la supérieure qui assiste toujours à cette visite. Bientôt M. Dupuytren, premier chirurgien du Roi, vient s’adjoindre à eux, avec M. Thévenot, médecin du Roi et MM. Alibert et Duquenelle. Pendant ce temps, un détachement de gardes du corps prenait position dans l’établissement.
“...Arrivé à l’hôpital, le Roi descendit de cheval à la porte principale. M. Delaunois s’y trouvait avec les clercs portant la croix, l’encens et l’eau bénite. Le chapelain présenta à l’aumônier de quartier l’aspersoir, qu’il remit au grand aumônier, le prince de Croÿ, chargé de donner l’eau bénite au Roi. On s’achemina processionnellement vers la chapelle, en traversant la première cour, la salle Sainte-Agnès et le jardin au milieu des acclamations et des cris de Vive le Roi ! Vive les Bourbons !
“Le cardinal de Latil, l’évêque de Nancy, Forbin-Janson, plusieurs prélats, les administrateurs des hospices, attendaient Sa Majesté dans la chapelle où, dès le matin, deux chapelains de Sa Majesté avaient commencé une neuvaine, selon l’antique usage. L’eau bénite fut à nouveau présentée au roi. Sa Majesté se rendit alors à son prie-Dieu, s’agenouille et l’on chante le psaume Exaudiat avec l’oraison pour le Roi, l’antienne au saint patron, la strophe O Vere Hostia et l’aumônier de l’hospice donne la bénédiction du
Très-Saint-Sacrement, comme le veut le cérémonial en usage pour le roi de France. Pendant le chant du psaume Laudate Dominum omnes gentes, après le Salut, arrivèrent leurs altesses royales, Mme la Dauphine et Mme la duchesse de Berry. La foule les avait empêchées d’arriver avec le Roi.
“Après avoir demandé à Dieu, par l’intercession de saint Marcoul, la guérison des malades, le roi, vivement ému, se dirigea vers la salle Sainte-Agnés, où se trouvaient réunis cent trente malades, faible reste de ce nombre considérable d’infirmes qui, n’ayant pas l’espérance d’être touchés par le Roi, s’étaient retirés. Charles X selon l’usage, toucha les malades l’un après l’autre, en disant :
Le Roi te touche Dieu te guérisse.
“Apportons tout d’abord les témoignages que j’ai recueillis moi-même de la bouche des religieuses de l’hôpital Saint Marcoul. Elles ont été portées à constater de visu les guérisons opérées par le Roi Charles X sur les malades visités soigneusement à cette époque par Messieurs Dupuytren, Noël, Duquenelle, Alibert et Thévenot, médecins du Roi.
Ces témoignages sont d’ailleurs consignés dans un procès-verbal que je vous donne ici in-extenso.
Procès-verbal des guérisons de plusieurs individus, malades des écrouelles, par suite du toucher de Sa Majesté, le Roi Charles X
“Nous soussignées, Françoise Menu, en religion soeur Marie, Supérieure des soeurs hospitalières de l’hôpital Saint-Marcoul, et Marie-Antoinette Lecareux, dite soeur Rosalie, assistante et économe, après avoir consulté celles de nos soeurs chargées du pansement des malades guéris par suite du toucher de Sa Majesté Charles X, et avoir nous mêmes visité de nouveau ces malades, de la guérison desquels nous nous étions assurées différentes fois depuis cette heureuse époque, certifions :
1. Que le nommé Jean-Baptiste Camus, âgé de 5 ans et demi, admis à l’hospice le 8 avril 1823, à l’âge de 3 ans, nous avait été, avant son admission, souvent apporté par sa mère pour recevoir les conseils et les remèdes propres à la guérison d’une tumeur scrofuleuse qui s’était manifestée quelques jours après sa naissance, que, malgré les soins qui lui ont été donnés avant et depuis son admission, quatre plaies qu’il avait au bras peu de jours avant le toucher du Roi semblaient faire craindre un accroissement de son mal ; qu’aussitôt après elles donnèrent des espérances de guérison qui se trouvèrent bientôt confirmées. Nous croyons devoir ajouter que, voulant laisser exister un cautère au même bras établi depuis 18 mois, nous fûmes forcées de le discontinuer, attendu la guérison du cautère et des plaies scrofuleuses ;
2. Que Marie-Clarisse Faucheron, âgée de 7 ans, admise le 23 novembre 1824, ayant une plaie scrofuleuse à la joue depuis l’âge de 5 ans, a été parfaitement guérie dans la quinzaine qui suivit le toucher ;
3. Que Suzanne Grévisseaux, âgée de 11 ans, admise le 10 novembre 1824, dès l’âge de 2 ans nous fut présentée par sa mère, et puis à différentes époques, pour recevoir des médicaments ; que lors de son entrée à la maison elle avait autour du col et à la partie supérieure de la poitrine cinq plaies qui s’étaient fermées depuis peu de temps avant le toucher du Roi, mais avaient été remplacées par des tumeurs scrofuleuses qui laissaient la crainte de les voir se rouvrir ; qu’aujourd’hui il n’existe ni plaies, ni tumeurs, et que la guérison est parfaite ;
4. Que Marie-Elisabeth Colin, âgée de 9 ans, entrée le 14 octobre 1823, attaquée d’une humeur scrofuleuse autour du col, avait, avant le toucher du Roi plusieurs plaies qui sont parfaitement guéries ;
5. Que Marie-Anne Mathieu, âgée de 15 ans, admise le 26 juin 1821, est parfaitement guérie de tumeurs scrofuleuses qui étaient forts considérables à l’époque du sacre, que l’engorgement a sensiblement diminué après le toucher du Roi, qu’il n’existe plus en ce moment, et qu’elle est en outre parfaitement guérie d’une plaie aussi fort considérable, au côté gauche du col.
“ Nous certifions en outre que l’état actuel de ces malades, guéris en peu de temps après le toucher de Sa Majesté Charles X, ne nous laisse pas la crainte que le mal ait quitté la place qu’il occupait pour passer à une autre partie du corps.
“ En foi de quoi nous avons différé jusqu’à ce jour la rédaction afin de mieux constater les guérisons.
Le présent procès-verbal a été lu à notre communauté et adopté à l’unanimité. Elle a ensuite décidé qu’il en serait fait une double expédition dont une serait adressée à Mgr de Latil, archevêque de
Reims ; la seconde à monseigneur le cardinal grand aumônier ; l’original déposé aux archives de la maison. Et deux soeurs ont signé avec nous au nom de la communauté”.
Reims, ce 8 octobre 1825.
Signé : soeur Marie, Supérieure ; soeur Rosalie, assistante économes ; soeur Agathe ; soeur Cilinie”.
“Ce certificat a été lui-même contresigné par l’aumônier de l’établissement :
“Je soussigné, prêtre, chanoine honoraire de l’église métropolitaine de Reims et chapelain de l’hôpital Saint Marcoul de la dite ville, certifie que la déclaration faite et exprimée ci-dessus par nos chères soeurs, Supérieurs économe et autres hospitalières composant la communauté des sœurs hospitalières de Saint Marcoul, est conforme à la plus exacte vérité. J’ai moi-même examiné et reconnu les plaies guéries et cicatrisées des individus désignés dans leur dite déclaration ou procès-verbal et que les dits individus sont du nombre de ceux du dit hôpital que j’eus l’honneur de présenter successivement à sa Majesté Charles X, lorsqu’elle voulut bien leur accorder la grâce d’être touchés de sa main royale, le lendemain de son sacre.
Reims, ce 8 octobre 1825
Signé : Delaunois chanoine honoraire de la chapelle de Saint Marcoul”.
“Ces attestations paraissent formelles, poursuit le chanoine Cerf. Il faut les admettre ou croire que les personnes qui les ont signées se sont trompées grossièrement, ou bien, ce qui est encore plus difficile à soutenir, qu’elles ont voulu tromper. Elles n’ont pas pu se tromper ni sur la nature du mal, ni sur la guérison. En effet, ces religieuses qui donnent leurs soins à ce seul genre de malades, peuvent-elles être facilement induites en erreur et reconnaître le scrofule là où il n’existe pas ?
“D’ailleurs, elles n’étaient nullement chargées d’admettre les malades que le roi devait toucher. Ce soin était réservé aux médecins de l’Etablissement, assistés de ceux du roi. Si sur ce point il pouvait exister encore un doute, je ferais appel au témoignage de M. Noël. Voici comment il s’exprime.
“Je soussigné, Docteur chirurgien et médecin de l’hospice depuis cinquante six ans, certifie avoir scrupuleusement examiné les plaies des cinq dénommés ci-dessus pour leur rentrée à l’hospice, et avoir reconnu et constaté par un certificat nécessaire pour leur admission, qu’elles étaient indubitablement toutes scrofuleuses. J’atteste en outre que ces cinq individus ont tous été touchés par Sa Majesté Charles X que j’ai accompagnée, suivie de très près depuis le premier attouchement jusqu’au dernier”. (35)
“Ainsi les religieuses, dans leur procès-verbal, parlaient de malades véritables. Elles n’ont pas été trompées davantage sur la guérison. Le mal des écrouelles, regardé comme incurable, porte toujours avec lui des traces qu’il n’est pas possible de cacher. Si donc elles ont affirmé que l’état des malades guéries par le roi ne leur laissait plus de crainte, il faut croire qu’elles s’étaient auparavant bien assurées de la guérison, et qu’elles en étaient bien certaines. Leur témoignage, du reste, est confirmé par celui de M. Delaunois :
“Je certifie que les plaies de chacun des cinq individus cités plus haut sont depuis deux ou trois mois guéries et qu’il n’a été employé pour leur guérison que le traitement habituellement en usage”.
“Ainsi les personnes qui ont attesté les guérisons n’ont pas été trompées. Ont-elles pu tromper ?
Quel intérêt les religieuses avaient-elles d’affirmer publiquement par écrit un mensonge qui pouvait être si facilement reconnu ? Comment alors l’aumônier aurait-il osé dire que leur déposition était de la plus exacte vérité ?
“Le docteur Noël n’était-il pas à craindre... N’avait-on pas fait miroiter devant ses yeux une croix comme prix de son mensonge adulateur ? J’ignore si le caractère de l’homme permettait cette supposition mais comment l’admettre quand on sait que M. Noël a été décoré longtemps après le sacre, vers la fin du règne de Charles X.” (36) Fin de citation.
Deux objections sont souvent avancées pour contredire la guérison des écrouelles par Charles X malgré la relation du chanoine Cerf et le procès verbal des religieuses :
- Il n’y a pas eu de miracles car la guérison est due à un choc psychologique.
Si la guérison est due à un choc psychologique sous Charles X, on doit penser la même chose pour les touchés antérieurs, le privilège de guérir les écrouelles se trouve transformé en un vulgaire choc psychologique ! Argument que l’on tolère dans la bouche de personnes athées, mais qui ne saurait être employé par des catholiques.
- Seules 5 personnes ont été guéries ce qui est peu !
Même si cela était vrai, le nombre suffit pour assurer que Charles X a bien guéri les écrouelles, il ne viendrait à personne l’idée de dénigrer le sanctuaire de Lourdes sous prétexte que toutes les personnes malades y allant ne sont pas guéries. D’autre part il est faux de dire que Charles X n’a guéri que 5 malades, pour la raison suivante : - Si on connaît de manière certaine la guérison de 5 malades, on ne sait pas ce que sont devenus les autres. Cet inconnu est parfaitement compréhensible quant on se reporte au texte du chanoine Cerf, les malades sont repartis après la cérémonie dans leur lieu d’origine sans plus attendre, et nul ne peut dire ce qu’il est advenu de leur maladie. A l’époque il ne serait venu à personne l’idée de faire une “enquête” de guérison, les gens croyaient plus simplement aux miracles.

7.2. Les apparitions de la rue du Bac (37)

Rares sont les catholiques français, les catholiques parisiens surtout, qui ne connaissent pas ou n’ont pas entendu parler de la chapelle de la médaille miraculeuse, 140 rue du Bac à Paris, visitée chaque année par de très nombreux fidèles français et étrangers.
Rares sont ceux qui ignorent tout des apparitions de Notre-Dame à une jeune novice du couvent des célèbres soeurs de la Charité, plus connues sous le nom de «soeurs de Saint Vincent de Paul», dans la nuit du 18 au 19 juillet 1830, à celle qui deviendra sainte Catherine Labouré, canonisée par le pape Pie XII en 1947.
Rappelons brièvement les faits racontés notamment dans l’ouvrage «Catherine Labouré et la Médaille miraculeuse» de l’abbé Laurentin et de Pierre Roche.
Beaucoup ne connaissent qu’une partie des apparitions de Notre-Dame à l’humble religieuse. Mais la Très Sainte Vierge a parlé en termes très clairs des tristes événements qui allaient survenir en France ce même mois de juillet 1830, comme l’indique précisément Albert Garreau :
“La première apparition a lieu dans la nuit du 18 au 19 juillet 1830. Les temps sont bien mauvais dit la belle Dame, assise dans le fauteuil qui se trouve encore aujourd’hui rue du Bac, cependant que la jeune fille s’est agenouillée et a placé ses deux mains dans le giron de la Vierge. Des malheurs vont fondre sur la France ; le trône sera renversé ; le monde entier sera secoué par des malheurs de toutes sortes. La Sainte Vierge a l’air très peinée en disant cela. Mais venez au pied de cet autel : là les grâces seront répandues sur les personnes qui les demanderont avec confiance et ferveur : elles seront répandues sur les grands et sur les petits”. (38)
Ainsi la Sainte Vierge évoquait avec tristesse le trône de France qui serait renversé ; c’est assez dire aux yeux de Notre Dame la gravité des événements de Juillet.
Les théories des historiens libéraux pour expliquer la Révolution de 1830 ne tiennent pas devant les affirmations de la Reine du ciel venue chez nous.
Mais il y eut aussi une autre manifestation divine dont les historiens ne parlent pas, sauf, bien sûr, l’abbé Laurentin. C’est le fait suivant, d’après le récit de Catherine Labouré elle-même :
“Le jour de la Sainte Trinité, le 6 juin 1830, Notre-Seigneur m’apparut comme Roi, avec la Croix sur la poitrine, pendant la messe, au moment de l’évangile (dans lequel Notre Seigneur rappelle selon saint Mathieu 28, 18-20 : tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre...) Il me sembla que Notre-Seigneur était dépouillé de tous ses ornements : tout croula à terre et il m’a semblé que la Croix coulait sous les pieds de Notre-Seigneur... C’est là que j’ai eu les pensées les plus noires et les plus tristes ; c’est là que j’ai eu la pensée que le Roi de la Terre serait perdu et dépouillé de ses habits royaux”.(38)
Cette apparition se déroule en deux temps : premièrement Notre-Seigneur est vêtu des ornements royaux, il manifeste, comme avec Sainte Jeanne d’Arc, qu’il est le vrai roi de France ; deuxième temps : il est dépouillé de ces ornements, il manifeste qu’il ne va plus être roi de France. La Sainte elle même a fait aussitôt la relation avec les événements politiques du moment.
 1er temps : juin, au moment de l’apparition, la France atteint, sous le règne de son dernier roi
sacré, un bonheur que les historiens ont peine à comparer ; et le pouvoir attache de l’importance à la renaissance catholique.
 2e temps : juillet, la Sainte le devine - car personne ne le soupçonne encore à cette date, si ce n’est la bourgeoisie voltairienne - : Charles X est chassé de son trône par la coalition des financiers, des ennemis de l’Eglise et la trahison de son entourage qui n’aurait eu aucune peine à mater cette révolution.
Le Roi aurait pu continuer à soutenir la renaissance religieuse du 19e siècle, initiée sous son règne et qui ne trouva plus qu’opposition dans l’autorité politique, dès les premiers mois qui suivirent cette période.
Nous ne voulons pas faire de la royauté, ni de la politique, une finalité. Nous ne prétendons pas que Notre-Seigneur dans cette apparition ait un objectif exclusivement politique. Il est même évident que ce qui attriste Notre-Seigneur c’est la déchristianisation, la perte de sa royauté sur les âmes ; mais, nous pensons que cette apparition est aussi une leçon sur les moyens qui sont nécessaires pour arriver à cette fin qu’est le règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Comme Sainte Catherine Labouré, nous pensons que cette apparition s’applique aux institutions
“C’est là que j’ai eu la pensée que le Roi de la Terre serait perdu et dépouillé de ses habits royaux.”
Nous le pensons car si au niveau institutionnel il y a une opposition radicale entre avant et après 1830, s’il y a également, et logiquement, une opposition à propos du soutien apporté à la religion par l’autorité, on ne trouve pas le même changement dans la ferveur religieuse des Français pour la même période. Au contraire la France et les Français sont plutôt moins catholiques avant 1830 qu’après.
Sans nier que la Restauration aurait pu et dû faire plus pour la religion, ce qui a été fait l’a été à contrecourant : il ne faut pas oublier l’état effroyable de la France religieuse en 1814, l’hostilité des esprits pour le surnaturel. Sous Louis-Philippe et Napoléon III le “courant” était devenu catholique, et en bons démagogues, ils ont bien été obligés de le suivre en apparence pour contenter l’élite catholique. En apparence seulement car en réalité ils l’ont freiné pour contenter l’élite voltairienne.
En somme, ces apparitions de la rue du Bac, sont une reconnaissance de la légitimité en général et de la légitimité de Charles X en particulier.
Elle éclaire un peu plus le problème de la succession de France, et surtout, c’est une manifestation surnaturelle de plus par laquelle Notre-Seigneur vient confirmer son attachement à notre pays, et nous éclairer sur les moyens nécessaires à son bonheur.

VIII- Les rois de France depuis 1830

Sources:

Paul Watrin, La Tradition Monarchique, Diffusion Université Culture, Paris, 1983.
Hervé Pinoteau, Monarchie et avenir, Nouvelles Editions Latines.

Jean III (1822-1883+1887)
A la mort du Comte de Chambord, le 24 août 1883, l’aîné des Capétiens était le prince Jean de Bourbon, comte de Montizon. A ce titre, il présida les obsèques à Göritz.
Le prince Jean était le fils de Charles (V) qui, à la mort de son frère Ferdinand VII revendiqua ses droits au trône d’Espagne. Ferdinand VII, contrairement à la loi salique, avait désigné sa fille, Isabelle, pour lui succéder, décision qui entraîna la première guerre carliste (1833-1842). Il participa aux guerres carlistes. Il fut même arrêté par la police de Napoléon III et mis en prison à Perpignan. L’acte le plus symbolique de son règne reste la présidence des obsèques du comte de Chambord. A cette occasion, il eut à faire valoir ses droits face aux prétentions du comte de Paris. En effet, celui-ci lui envoya à Göritz un ancien conseiller d’État, M. de Bellomayre, afin de lui faire signer une renonciation au trône de France. Cette demande, qui prouve par ailleurs combien les Orléans étaient peu sûrs de leurs droits, fut repoussée par le Prince qui refusa même de recevoir ce curieux ambassadeur. C’est son fils cadet, le Prince Alphonse qui fut chargé de transmettre la réponse :
“Jamais je ne signerai cette pièce. Je ne sais pas encore si nous avons des droits à la couronne de France ; si nous n’en avons pas, il est ridicule de signer cette déclaration et si nous en avons, ces droits sont des devoirs ; ces devoirs, on ne peut les abdiquer”.
La mort le surprit le 18 novembre 1887.

Charles XI (1848-1887+1909)
Fils de Jean III, Charles avait épousé, le 4 février 1867, dans la chapelle du château de Frohsdorf, Marguerite de Parme, nièce du comte de Chambord.
Quelques déclarations de ce Prince :
“Je suis le roi de toutes les libertés nationales, je ne serai jamais le roi de la révolution”.
En 1870, il envoya son épouse comme ambassadrice auprès de Napoléon III pour l’avertir des visées prussiennes. Le conflit déclaré, il proposa de servir aux armées en amenant ses troupes carlistes.
Napoléon III refusa, ce qui amena cette réponse du Prince :
“Il me paraît extraordinaire qu’un Bonaparte interdise à un Bourbon de participer à la guerre dont l’objet est l’Alsace acquise par mes ancêtres”.
Le 14 septembre 1888, il écrivait aux légitimistes réunis à Sainte-Anne d’Auray :
“Il n’y a que deux politiques en présence dans l’histoire contemporaine : le droit traditionnel et le droit populaire. Entre ces deux pôles, le monde politique s’agite. Au milieu, il n’y a que des royautés qui abdiquent, des usurpations ou des dictatures. Que des Princes de ma famille aient l’usurpation triomphante, soit. Un jour viendra où eux-mêmes ou leurs descendants béniront ma mémoire. Je leur aurai gardé inviolable le droit des Bourbons dont je suis le chef, droit qui ne s’éteindra qu’avec le dernier rejeton de la race issue de Louis XIV”.
Charles XI fut le premier à se voir signifier par le gouvernement de la République française une mesure d’exil, en 1881. Mesure prise à la suite d’une messe de la Saint-Henri, où de nombreux assistants et plus spécialement des élèves de l’École Militaire de Saint Cyr avaient manifesté en sa faveur. Dans un message à ses fidèles au moment de son départ, il déclara :
“La Vraie France, berceau de ma famille, et que j’aime ardemment, n’est pas responsable des
actes de son gouvernement”.
Le 21 janvier 1893, pour le 100e anniversaire du martyre de Louis XVI, Charles XI reçut à Venise une importante délégation de Français fidèles conduits par le général de Cathelineau.
D’une façon incompréhensible, le Prince encouragea le ralliement préconisé par Léon XIII. Cette position conduira à ce qu’on a appelé le «schisme sévillan».
Au moment de la Séparation de l’Église et de l’État, il signa un manifeste daté du 12 mars 1906 :
“Comme l’aîné de la race de nos rois et successeur salique, par droit de primogéniture de mon oncle Henri V, je ne puis rester plus longtemps spectateur impassible des attentats qui se commettent contre la religion, et aussi Sa Sainteté Pie X. J’élève la voix pour repousser de toutes les forces de mon âme de chrétien et de Bourbon, la loi de séparation”.
Il continuait : “Catholiques français, l’avenir de la France est entre vos mains, sachez donc vous affranchir d’un joug maçonnique et satanique, en revenant franchement et avec l’ardeur qui vous caractérise, à la vraie tradition chrétienne et nationale dont, par ma naissance, c’est-à-dire par la volonté de Dieu, je suis le seul représentant légitime”.
Charles XI mourut le 18 juillet 1909.

Jacques I (1870-1909+1931)
Il naquit le 27 juin 1870 en Suisse. Il commença ses études à Paris à l’école de l’Immaculée Conception de la rue de Vaugirard dirigée par les Jésuites. En 1881, contraint à l’exil, il les poursuivit dans une autre maison de la Compagnie en Angleterre à Windsor, au collège de Beaumont.
En 1890, il entra à l’Académie Militaire de Wiener-Neustadt. Il ne put être titularisé officier de l’armée de l’Empire Austro-Hongrois et devint officier dans la garde impériale russe. Il fit partie du contingent russe envoyé avec des troupes allemandes, anglaises, belges, françaises, italiennes et japonaises pour délivrer les membres des délégations étrangères assiégés à Pékin par les Boxers. La conduite du prince fut à ce point héroïque que le général français Bailloud crut devoir le proposer pour la croix de la Légion d’Honneur. Le gouvernement français refusa...
En 1909, au décès de son père, il quitta l’armée russe.
En 1911, le prince s’éleva contre une violation du droit opérée par le duc d’Orléans qui venait d’octroyer à titre posthume l’Ordre du Saint Esprit au général de Charette :
“Le chef de la Maison de Bourbon, c’est moi ; moi qui dans ma lettre aux souverains à l’occasion de la mort de mon cher et regretté père, ai solennellement déclaré que j’entendais revendiquer tous les droits et prérogatives qu’il me transmettait en dépôt, moi qui tiens du comte de Chambord, avec le château de Frohsdorf, les reliques, les papiers et les archives de la monarchie légitime, ainsi que la maîtrise des ordres royaux. Son Altesse Royale, le duc d’Orléans est d’autant moins qualifié pour faire un chevalier du Saint-Esprit qu’il est le tout dernier de notre arbre généalogique et que sa branche ne peut produire la moindre prétention qu’après la complète extinction non seulement de la mienne mais encore de celle d’Espagne, des Deux-Siciles et de Parme”.
Le 9 mai 1926 à Paul Watrin : “J’admets qu’on puisse croire au principe électif, mais si l’on dit admettre le vieux principe monarchique français, il faut s’en tenir à ses lois ; les orléanistes sont libres de prôner une monarchie où quelques bourgeois élisent le roi, mais ils n’ont pas le droit de dire que là sont les vieilles lois fondamentales du Royaume de France, où Dieu fait le roi en le faisant naître l’aîné”.
Le 8 décembre 1931 (Journal des Débats) : “Je suis un mainteneur, je ne suis pas un prétendant».
«Un prétendant, c’est un homme de coup d’État ; un roi légitime ne gouverne que d’accord avec son peuple, qui doit être un peuple libre. C’est cela qui s’appelle la monarchie nationale, où le roi est pour tous un frère aîné et un père. En France, tous les Français se sentent de la famille royale ; voilà pourquoi l’égalité est un instinct français”. En France, «le roi appartient au pays, le pays n’est pas au roi. Ceux qui critiquent Louis XVI ou mon aïeul Charles X ne savent pas ce qu’est un roi de France. Il ne peut régner si l’accord entre lui et son peuple est brisé. S’emparer du pouvoir par un coup d’État, mais c’est faire du roi légitime un aventurier. Henri V a vécu cette doctrine. Bien peu l’ont compris”.
En 1924, le Prince félicita et encouragea le général de Castelnau qui venait d’organiser le grand mouvement des catholiques de France dégoûtés de voir qu’après le profond sacrifice de la guerre de 1914-1918, la France républicaine retombait dans les mêmes erreurs.
Le Prince avait une dévotion particulière pour Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus dont il portait une relique sur lui depuis une visite au Carmel en juin 1926.
Le Prince Jacques était célibataire et de sa ligne il n’y avait plus qu’un oncle, Charles sans postérité. A la mort des Princes Jacques et Charles, l’aînesse des Bourbons allait donc passer au descendant de François de Paule, le roi constitutionnel d’Espagne, Alphonse XIII. Pour les séparer il y avait, en Espagne les guerres carlistes et plus généralement une certaine connivence du souverain espagnol avec les Orléans.
Soucieux de la paix, le Prince Jacques voulut la réconciliation de son vivant. Cette réconciliation, en 1931, était facilitée par le fait que le 14 avril 1931, Alphonse XIII avait dû quitter l’Espagne et résidait à Fontainebleau.
Alphonse XIII se rendit au domicile parisien du prince Jacques, avenue Hoche, le 23 septembre 1931.
L’aîné des Bourbons tint à faire reconnaître les droits imprescriptibles à la Couronne de France.
“Tout d’abord, t’es-tu compromis avec nos cadets quant à la succession royale de France ? Cela n’a rien à voir avec l’Espagne et, cependant, sache-le bien, si nous ne sommes pas d’accord sur la question française, impossible pour moi de m’entendre avec toi pour une union pratique en Espagne”.
“Peu importe qu’il y ait un jour ou qu’il n’y ait jamais de monarchie en France ! Mais il importe beaucoup qu’un Bourbon soit toujours fidèle à la France, où qu’il aille, où qu’il règne. Le Chef de la Maison de France, c’est l’aîné des Bourbons. Un jour, sans doute, ce sera toi car tu es jeune et survivras à moi et à mon oncle. Dans tous les pays sauf la France, les rois peuvent abdiquer, les dynastes peuvent renoncer. En France, toute abdication, toute renonciation est nulle parce que les princes des fleurs de lys sont à la France. La France peut renoncer à eux, la réciproque n’est pas vraie. Pour la France tu ne pourras jamais ni renoncer ni abdiquer. De même après toi, ton fils aîné, n’eût-il ni bras ni jambes, prendra ta place comme chef de la Maison de France. Là il n’y a pas d’abdication possible”.
Alphonse XIII acquiesça aux demandes de l’aîné de sa Maison.
Deux jours plus tard, le prince Jacques lui rendit sa visite à Fontainebleau et lui remit un collier de l’Ordre du Saint-Esprit.
Le prince Jacques mourut le 2 octobre 1931. Ses obsèques se déroulèrent avec une grande solennité à Saint Philippe-du-Roule, ceci durant plusieurs jours. Le dernier jour, la messe fut célébrée par Mgr Mayol de Luppé, protonotaire apostolique. La cérémonie fut présidée par le roi Alphonse XIII, accompagné de la reine et de leurs enfants, les princes des Deux-Siciles et les princes de Parme, en présence du Cardinal Verdier, Archevêque de Paris et du Maréchal Lyautey.

Charles XII (1849-1931+1936)
Né le 12 septembre 1849, le prince Charles allait sur ses 82 ans en 1931.
Lieutenant aux les Zouaves pontificaux, il avait été blessé deux fois pendant les combats de 1870 à Rome.
C’est lui qui avait été chargé d’éconduire l’envoyé du Comte de Paris venant demander à son père une renonciation au trône.
Son grand âge l’empêcha d’avoir un rôle réellement politique en qualité de Chef de la Maison de France.

Alphonse I (1886-1936+1941)
Lorsque le 29 septembre 1936, le prince Alphonse devient l’aîné de la Maison de Bourbon, il n’est plus roi d’Espagne depuis 1931. C’est un prince exilé. Il est venu d’abord s’installer en France, jusqu’à ce que le Front populaire le chasse, puis en Italie.
L’ex-roi d’Espagne connaissait bien la France.
Au Maroc, son influence, son entente personnelle avec le général Lyautey sut éviter de graves conflits entre la France et l’Espagne.
Mais c’est lors de la Ire Guerre mondiale que le prince put montrer concrètement son attachement à la terre de ses ancêtres. Quand éclata la guerre de 1914, il fit savoir au gouvernement français qu’il pouvait sans crainte dégarnir la frontière des Pyrénées dont il garantissait la sécurité absolue. Ce qui permit d’envoyer sans retard sur le front les renforts qui devaient contribuer à remporter la victoire de la Marne. De par sa volonté, les mines des Asturies nous fournirent le fer nécessaire à notre armement pendant toute la durée des hostilités.
Il fonda et dirigea lui-même le “Service des blessés et des prisonniers de guerre”, chargé de la recherche des disparus, de la surveillance des camps, du rapatriement des malades, du ravitaillement des provinces envahies, de la grâce des condamnés obtenue à grand peine des tribunaux allemands. Toutes les interventions et les initiatives charitables du roi s’exercèrent pendant les quatre années de la guerre, en notre faveur. Alphonse XIII intervint au profit de 111 200 prisonniers militaires, 63 400 internés civils ou déportés. Il obtint le retour de 16 555 des nôtres.
Désigné par le droit, dans un contexte politique très difficile, pris entre la montée des Fronts populaires en France et en Espagne, qu’il dut alors quitter, et la montée du Fascisme en Italie où il avait trouvé refuge, le roi n’eut jamais à faire acte de prétendant. Toutefois, symboliquement, il prit les pleines armes de France en enlevant la bordure de gueules autour des fleurs de lys.
Il voulut que son fils aîné, le prince Jacques, épouse une française. Ce fut Emmanuelle, fille du vicomte Roger de Dampierre.
Alphonse Ier mourut à Rome le 28 février 1941.

Henri VI (1908-1941+1975)
Le prince (Jacques) Henri naquit le 23 juin 1908.
Il releva le titre de duc d’Anjou en 1946 et renonça, dès 1933, à ses droits à la Couronne d’Espagne. Les successions France/Espagne furent enfin claires.
Sourd-muet après une mastoïdite mal soignée, le prince Henri eut l’insigne mérite de se placer sans faillir en position de successeur légitime des rois de France.
A partir de 1947, le duc d’Anjou et de Ségovie fit célébrer à Paris, aux environs du 21 janvier, une messe traditionnelle en mémoire du roi Louis XVI, qu’il présidait généralement lui-même. Cette messe fut dite, à partir de 1972, à la Chapelle Expiatoire.
Le 8 mai 1956, le Prince était invité d’honneur, en tant que chef de la Maison de Bourbon, à la remise du reliquaire de saint Louis en la basilique de Saint-Denis.
La crise algérienne allait lui donner l’occasion d’intervenir directement dans la politique. Le duc d’Anjou et de Ségovie approuva publiquement la journée du 13 mai 1958 et l’action «de la noble armée française» en Algérie. En juin 1959, il parut sur les écrans de télévision. Le 10 décembre, la Gazette Royale publia un manifeste du Prince sur la question algérienne :
“Le droit illégalement donné à la population d’une province française de faire sécession risque d’arracher l’Algérie à la France. Un Roi la lui a donnée. Fidèle à la tradition de ses ancêtres, leur légataire affirme que le territoire de la patrie est inaliénable et que nul ne peut s’arroger le droit d’en disposer”.
En 1970, pour la commémoration de l’année «saint Louis», il participa à la plupart des cérémonies officielles, en particulier à Saint-Denis le dimanche 24 mai, puis au Palais de Justice, à l’invitation du ministre des Affaires Culturelles.
Le 8 mars 1972, le Duc d’Anjou et de Ségovie maria son fils aîné en grande pompe à la chapelle du palais du Prado : le Dauphin épousait Doña Carmen, fille du marquis de Villaverde, petite-fille du généralissime Franco.
En novembre, le Prince effectua un véritable voyage officiel dans les «provinces de l’Ouest», terres historiques de la fidélité catholique et royale. Accueilli avec sympathie et déférence par les autorités civiles, beaucoup plus fraîchement par les responsables religieux, il lança du Mont des Alouettes, symboliquement, le 19 novembre 1972, un appel à l’unité des Français dans la foi et le retour à la royauté capétienne, contre «toutes ces pollutions que sont l’étatisme, le laïcisme, le socialisme, les partis, l’immoralité et l’argent tout-puissant». Il profita de ce séjour pour visiter les locaux de la Diffusion de la Pensée Française à Chiré en Montreuil.
C’est en 1973 que le duc d’Anjou et de Ségovie devait faire dans l’actualité française l’une de ses ultimes interventions publiques. Etant donné l’imminence de sa mort (deux ans plus tard), ce texte a l’allure d’un testament politique. Il était adressé, contre l’avortement, au président de l’Union des étudiants de France.
En tant que “successeur des Rois très-chrétiens et défenseur des hautes valeurs de la civilisation qui, pendant quinze siècles ont fait la grandeur de la France”, le Prince dénonçait “le crime que l’on s’apprête à perpétrer contre la Nation”. Il concluait : “Je souhaite de tout mon coeur que la fille aînée de l’Église ne puisse jamais paraître au jugement de Dieu et de l’Histoire tachée du sang de ses enfants et propagatrice de l’idéologie de mort”.
Le 10 mai 1974, dans la chapelle du château de Versailles, le Mémorial de France, commémorant le bi-centenaire de la mort de Louis XV, recevait encore son lointain descendant avec solennité.
Le Prince pouvait encore présider la messe du 19 janvier 1975, mais après une mauvaise chute, le 27 février, il mourut le 20 mars.

Alphonse II (1936-1975+1989)
Né à Rome le 20 avril 1936, le prince Alphonse fut baptisé par le cardinal Pacelli, le futur Pie
XII. Il décéda le 31 janvier 1989 sur une piste de ski au Colorado.
L’on sait le rayonnement que ce prince redonna aux principes légitimistes, et les nombreux déplacements qu’il fit, tout particulièrement lors de la célébration du millénaire capétien 1987.
En mai 1988, le prince Alphonse prit part au pèlerinage traditionaliste de Chartres.
Le 15 août 1988, il renouvela le voeu de Louis XIII en participant à la procession à Abbeville là où trois cent cinquante ans plus tôt son aïeul avait consacré la France à la Vierge Marie.
Je crois que le message qu’il envoya le 12 janvier 1986 aux royalistes présents lors de la journée de la «Galette des Rois» résume particulièrement bien sa pensée.
Le voici :
“Vous vous êtes réunis aujourd’hui à Paris pour célébrer la Fête des Rois et partager la traditionnelle galette. En instituant cette fête de l’Épiphanie, l’Église a voulu inviter les chrétiens à méditer le mystère de l’incarnation et de la royauté spirituelle et sociale de Notre-Seigneur.
L’épisode si populaire des Rois Mages rappelle opportunément qu’il y a, au-dessus de ceux qui sont institués pour gouverner peuples et nations, un Roi des rois dont le Nom fait fléchir tout genou au Ciel, sur terre et dans les enfers.
La Fête des Rois, instituée dans les premiers siècles de l’Église, trouve son pendant dans celle du Christ-Roi que le pape Pie XI a établie en 1925 pour lutter contre l’apostasie générale des nations et la laïcisation des États au XXème siècle.
Dieu n’est pas seulement le Roi des individus, Il est aussi le Roi des sociétés. Les rois trèschrétiens, mes aïeux, savaient bien qu’ils n’étaient que les lieutenants du Christ qui est le vrai Roi de France. Et cela explique cette pensée du comte de Chambord qui voulait qu’on répétât sans cesse qu’il fallait, pour que la France soit sauvée, que Dieu y règne en maître pour qu’Henri V puisse y régner en roi. Ce prince si attachant et pourtant si méconnu était convaincu qu’on ne peut refuser ce que Dieu commande et que le devoir d’état d’un roi est de régner.
Qui sait ce que la Providence réserve à la France pour les années qui viennent ? Nous l’ignorons, mais notre devoir est de maintenir intact le dépôt venu du fond des âges et de le transmettre.
Je sais que tous ceux que cette manifestation assemble ici aujourd’hui sont dans cette disposition d’esprit et je tiens à ce que l’on sache que l’aîné des Capétiens et le chef de la maison de Bourbon y demeure fermement attaché”.

Louis XX (1974-1989)
Rien ne saurait, à mon sens, mieux résumer la pensée de ce jeune prince de vingt-six ans que l’allocution qu’il a prononcée au cours d’un dîner organisé par l’Institut de la Maison de Bourbon le 24 septembre 1999 à Paris et qui constitue un véritable programme.
La voici :
“...Le sujet abordé ce soir “souverain et souveraineté” fait partie des grandes questions de société desquelles il n’est guère possible de faire abstraction. Il est au coeur de la fonction de gouverner et du devoir d’état. Le destin des Capétiens et des Bourbons s’y trouve tout entier résumé. Le Souverain est celui qui exerce le pouvoir suprême, la souveraineté. Telle est bien la fonction sociale la plus haute et aucun État ne peut se passer d’un souverain. Le choix que l’on en fait décide de ce que sera le corps social et donne son sens à l’État. Les rois de France, mes aïeux, ont très tôt fixé leur doctrine : le roi, souverain béni par l’onction du sacre, selon une belle formule définie par les juristes “est empereur en son royaume”. Durant des siècles, pour concrétiser cette idée, ils ont dû lutter à la fois contre les dangers de l’étranger toujours prêt à vouloir imposer ses règles à la souveraineté nationale et contre les périls intérieurs de ceux qui voulaient limiter la souveraineté du roi pour mieux dicter leur loi. Entre ces deux écueils, la France s’est bâtie et a prospéré.
Aujourd’hui, la question est loin d’être inactuelle et il me semble que si vous m’avez demandé d’être parmi vous c’est parce que vous avez tous conscience que le rôle des souverains est toujours aussi essentiel et qu’ils demeurent l’expression la plus sûre de la souveraineté et de la permanence de l’État.
Ce devoir, nous l’incarnons depuis que la France est France.
Vous pouvez être assurés que pour demain, que pour les jeunes qui, avec moi, auront à construire le nouveau siècle et à lui donner ses valeurs, je saurai prendre mes responsabilités et assumer l’héritage de la tradition...”.

Références

(1) Comte Maurice d’Andigné, Le Roi Légitime, p. 64, Paris, 1884.
(2) Monseigneur Pie, OEuvre tome 6, p. 6.
(3) Charles-Henri de Provenchères, La Tradition Royale Française, p. 25, Présence du Souvenir
Bourbonien.
(4) Paul Watrin, La Tradition Monarchique, p. 52, Diffusion Université Culture, Paris, 1983.
(5) Paul Watrin, op.cit. p. 100.
(6) Paul Watrin, op.cit. p. 53.
(7) Paul Watrin, op.cit. p. 192.
(8) Charles Giraud, Le Traité d’Utrecht, p. 103, Communication et tradition, Paris, 1997.
(9) Paul Watrin, op.cit. p. 132.
(10) Sixte de Bourbon Prince de Parme, Le Traité d’Utrecht, p. 68, Communication et Tradition, Paris
1998.
(11) Sixte de Bourbon Prince de Parme, op.cit. p. 71.
(12) Paul Watrin, op.cit. p. 135.
(13) Louis XIV, Instructions au Duc d’Anjou, p. 143, 1700.
(14) Hervé Pinoteau, Monarchie et avenir, p. 92, Nouvelles Editions Latines.
(15) Sixte de Bourbon Prince de Parme, op.cit. p. 102.
(16) Sixte de Bourbon Prince de Parme, op.cit. p. 103.
(17) Paul Watrin, op.cit. p. 84.
(18) Sixte de Bourbon Prince de Parme, op.cit. p.127.
(19) Paul Watrin, op.cit. p. 189.
(20) Hervé Pinoteau, op.cit. p. 94.
(21) Hervé Pinoteau, op.cit. p. 149.
(22) Charles Giraud, op.cit. p. 128
(23) Charles Giraud, op.cit. p. 138.
(24) Lettre au Comte Léonor de Cibeins, 3.8.1886. Hervé Pinoteau, op. cit. p. 122.
(25) Paul Watrin, op.cit. p. 207.
(26) Paul Watrin, op.cit. p. 208.
(27) Paul Watrin, op.cit. p. 209.
(28) Paul Watrin, op.cit. p. 210.
(29) Paul Watrin, op.cit. p. 210.
(30) Paul Watrin, op.cit. p. 205.
(31) Paul Watrin, op.cit. p. 212.
(32) Hervé Pinoteau, op.cit. p. 118.
(33) Aspects de la France, 2.15-11-2000.
(34) Yves Griffon, Charles X roi méconnu, Editions Rémi Perrin, juillet 1999.
(35) Certificat de M. Noël du 8 octobre 1825, joint au certificat des religieuses et de M. Delaunois, gardé
dans les archives de Saint-Marcoul.
(36) Chanoine Cerf, Du toucher des écrouelles par les Rois de France, Tiré à part du journal L’Avenir,
L. Nonce 1899.
(37) Texte tiré de l’excellent livre de M. Yves Griffon, Charles X roi méconnu, Editions Rémi Perrin,
juillet 1999.
(38) Albert Garreau, Notre Dame de France, Editions du cèdre, 1970.

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

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11:54 PM  

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